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LE VERBE

le verbe et ses assistants

les différentes formes du verbe

Valeurs temporelles, aspectuelles et modales des temps de l'indicatif

le subjonctif et l'impératif

PRINCIPAUX ACCORDS

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accord des adjectifs et des déterminants numéraux

accord des participes passés.

LA PHRASE

mémento grammatical

mémoire musicale

Oscar Wilde

coin cinéma n°6

MAJ :28/10/2020

 

 

  • ADN

Tout commence par une famille rassemblée autour du personnage du grand-père, Emir. La scène se passe dans une maison de retraite, le grand-père a Alzheimer, un livre sur sa vie lui est offert. Tout est beau et juste : l'amour du petit-fils, les autres pensionnaires, les tensions perceptibles entre les membres de la famille. Et voilà qu'il meurt peu de temps après. Forte émotion, toujours très juste. La préparation des obsèques, les désaccords les antagonismes qui resurgissent, les obsèques elles-mêmes. Le meilleur ami toujours très drôle, le père froid, méprisant, peu aimant. La tristesse, le rire qui surgit même quand il ne devrait pas. Tout le début du film est beau, juste et fort. Après Maïwen se cherche, aussi bien le personnage qui cherche à connaître ses origines, que la cinéaste qui semble chercher comment continuer un film après un début si bien trouvé. Elle rame un peu à mon goût, même si elle trace un chemin qui lui appartient, qui est beau et que sa sœur respecte. 

  • Maigret tend un piège.

Du très bon avec Gabin, Annie Girardot, Lino Ventura aussi. Maigret est défié par un assassin en série de jeunes femmes brunes. Pour contrer l'orgueilleux, il va faire appel à des appâts féminins de la police, faire croire à l'arrestation de l'assassin, ruser. Mais cela ne suffira pas. Il mène l'enquête sans qu'on sache vraiment où va ce héros tenté par la retraite tant lui non plus ne semble pas vraiment savoir où il va. Au juge ou au procureur qui lui dit qu'il prend ses responsabilités, il répond : "Je prends mes responsabilités pour que vous n'ayez pas à prendre les vôtres. " Il s'intéresse à un boucher, à sa propriétaire, et à toute la maisonnée. Un très bon moment de cinéma, ça fait du bien. Retour juste à l'heure du couvre feu.

  • Les parfums.

 

Emmanuelle Devos joue un nez assez misanthrope. Elle engage un chauffeur qui a absolument conserver son travail s'il veut obtenir la garde alternée de sa fille. L'alchimie prend et les deux premiers tiers du film fonctionnent bien. C'est drôle, c'est frais. On découvre peu à peu qu'elle a été un grand nez jusqu'à une panne d'odorat qui l'a disqualifiée dans l'univers des parfumeurs. Lui a des travers et une dignité à laquelle il tient. Il tient tête à cette femme méprisante quand elle dépasse les bornes. Dans une scène drôle, il lui fera observer que les gens ne sont pas que des odeurs et qu'elle ne les regarde pas. Sait-elle si la serveuse est brune ou blonde? Non, elle a juste repéré qu'elle portait un parfum qu'elle a identifié comme de qualité très médiocre. De son côté, elle lui apprend à explorer ses propres facultés olfactives. Il perdra son emploi pour l'avoir sauvée en la conduisant aux urgences sans respecter les limitations de vitesse. Elle l'embauchera comme associé. C'est frais, un peu trop long dans le dernier tiers, mais globalement un bon moment de cinéma.

 

 

  • La fille au bracelet.

 

Film procès. On suit une adolescente de 18 ans, principale suspecte et seule accusée du meurtre de sa meilleure amie. Le procès est l'occasion de découvrir la complexité des relations entre les protagonistes, l'amour parental et les limites de l'échange entre parents et enfants mais aussi la volonté légitime de s'affirmer comme personne, de s'émanciper, d'être libre, fût-ce au prix de certains risques, dont celui de ne pas être comprise. L'avocate générale est particulièrement douée pour interpréter les silences et autres comportements parfois déconcertants, pour accabler la jeune fille. Quand l'avocate générale objectera à la mère qui vient témoigner à la barre que son propos est celui d'une mère, celle-ci lui objectera d'ailleurs en retour qu'elle est quant à elle avocate générale… Le père, lui, est toujours présent. En soutien, il cherche à conseiller sa fille, qu'il découvre au cours d'un procès  grandement impudique, accepte les limites de la place qu'il peut occuper pour laisser à sa fille la place qu'elle revendique. Le juge quant à lui est parfait dans son rôle : il facilite et régule les prises de parole, sait écouter et intervenir avec justesse. Confrontation des plaidoiries, verdict de la cour d'assise, et image finale: alors qu'on vient de rompre le bracelet électronique fixé au pied de la protagoniste qui vient d'être acquittée, celle-ci enlève un collier pour le transformer en bracelet de substitution à son pied.

 

  • Le cas Richard Jewell.

Le dernier film de Clint Eastwood était vanté, à juste titre, par la critique cinématographique. J'ai beaucoup aimé l'histoire, les personnages, certaines répliques, la réflexion que ce film génère. C'est l'histoire d'un "gros lard", d'un célibataire qui vit chez sa mère, d'un préposé au réapprovisionnement de fournitures, qui serait un invisible s'il n'était énorme. Tous se moquent de lui, sauf un être imbuvable, Watson, dont on ne comprend pas bien le métier au début. On comprend juste qu'il est à la fois misanthrope et très humain : il sympathise avec Jewell...qui lui annonce le soir même son départ de la boîte: Richard va enfin réaliser son rêve: devenir agent de sécurité, ce qui le rapprochera du métier de policier auquel il se prépare. 

Employé zélé dans une université, il va être viré pour son excès de zèle. Le pseudo-flic voudrait en effet mettre de l'ordre dans un univers étudiant qui a besoin d'une certaine souplesse dont Richard ne fait pas preuve. Les JO d'Atlanta (1996) vont être l'occasion pour Richard d'être à nouveau engagé comme agent de sécurité. C'est dans ce cadre qu'il va, parce qu'il était là "au bon endroit, au bon moment", détecter un sac suspect. Les bombes artisanales vont exploser pendant qu'un périmètre de sécurité est en train d'être difficilement établi durant un concert de plein air.

 

Célébré comme un héros, il a la modestie du héros: on la comprend d'autant plus qu'elle colle au personnage et qu'on a suivi la soirée en le suivant. Il n'a fait que son travail. Il l'a bien fait, mais ni plus ni moins. Les médias le louent, on veut lui faire signer un contrat d'édition pour publier son récit. Sa mère, qui a toujours été là pour l'encourager, est très fière de lui. Richard, lui, se sent dépassé et fait appel à une vieille connaissance, Watson, pour ne pas signer n'importe quoi avec l'éditeur qui le sollicite.

 

Le FBI n'a pas grand chose et l'une des pistes va prendre une ampleur démesurée: et si c'était Richard Jewell, l'auteur de l'attentat ? Le rôle clé d'une journaliste avide de scoop va transformer le héros national en principal suspect, la vie de Richard et de sa mère en un calvaire quotidien. Meute de journalistes, policiers fédéraux pour une perquisition, une mise à nu symbolique, des pratiques douteuses et illégales. Heureusement, malgré sa naïveté et sa loyauté envers la Police; Richard Jewell va avoir un doute et faire appel à … son avocat : élémentaire, Watson !

 

On découvre alors  l'allié redoutable que représente Watson, une fois celui-ci convaincu intimement de l'innocence de son ami. Tout oppose les deux personnages et pourtant… Il y a cette très belle scène, où Watson est exaspéré par le respect que témoigne son client aux policiers fédéraux. Il aimerait le voir en colère contre eux. Et là, on découvre que Richard Jewell est bel et bien en colère contre ceux qui cherchent à l'accuser à tort, mais aussi qu'il ne le montre pas à la manière ostensible de son avocat. En gros, toi t'es toi, et moi je suis moi. Ne me demande pas d'être comme tu es, ou comme tu te comportes.

 

La contre-offensive commence quand la mère de Richard Jewell craque. Polygraphie (sorte de serum de vérité?), mise en cause de la journaliste qui a fait fi de l'honneur d'un homme et de la vie de sa mère, éléments de preuve, et pour finir rendez-vous dans le bureau des enquêteurs fédéraux : l'interrogatoire se retourne quand Richard Jewell demande à poser une seule question: avez-vous quelque chose contre moi? Il dit alors ses illusions perdues sur la police. Il imaginait que la police fédérale était des plus compétentes et il s'aperçoit qu'elle perd son temps à s'acharner sur lui aux dépens de la recherche du vrai coupable. Il estime avoir fait son boulot, et avance que d'autres après lui risquent de ne plus signaler les colis suspects.

Emotion quand il est lavé de tout soupçon. Plus tard, on le voit en uniforme de policier, retrouver son ami qui vient lui apprendre que le véritable auteur de l'attentat a été arrêté et a reconnu les faits.

 

 

 

  • Parasite.

Palme d'or qui me plaît. Film bien construit, riche en émotions et en rebondissements, drôle et satirique. Une cellule familiale vivant de mesquineries va s'introduire dans une maison fortunée. A l'occasion du départ pour l'étranger d'un ami, le fils parasite est introduit par recommandation comme professeur particulier d'anglais de la jeune fille riche. De fil en aiguille, il va introduire sa sœur pour qu'elle s'occuper du tyrannique petit frère de sa nouvelle élève, chacun s'inventant des diplômes et parcours universitaires remarquables. Le jeune et beau chauffeur de Monsieur est écarté grâce à une manipulation d'équipe, puis c'est au tour de la vieille gouvernante impeccable, soupçonnée d'être tuberculeuse alors qu'elle est simplement allergique à la pêche et victime des parasites qui finissent par tous travailler au service de la famille riche. Dit comme ça, ça semble plat, pourtant la construction du film le rend haletant et les rebondissements liés au retour de la gouvernante et aux révélations sur l'histoire de la maison donnent une autre tournure à la seconde partie du film et à sa fin.

  • Une intime conviction.

Elle a disparu. Il est accusé du meurtre, a été acquitté mais comparaît de nouveau. Lui, c'est son mari, taiseux, mauvais pour se défendre, père de trois enfants. Et puis il y a l'amant, qui a des connaissances médiatiques et politiques. Le parquet général a fait appel et il y a donc un nouveau procès. Si le coupable idéal a été acquitté une première fois, il n'en reste pas moins toujours le coupable aux yeux de l'opinion. Une femme, persuadée passionnément de son innocence, jouée par Marina Foïs va réussir à faire en sorte qu'un ténor du barreau plaide sa cause. Alors qu'elle fait la cuisine dans une brasserie et doit s'occuper seule de son fils unique, elle va assister efficacement et passionnément le grand avocat, maître dans son art, incarnation de la raison et du souci de vérité et de justice. Un peu comme dans Douze hommes en colère, il va devoir affronter presque seul l'opinion publique et persuader les jurés qu'ils doivent non pas juger cette affaire mais rendre justice à un homme, lui rendre sa dignité bafouée. Le film est bien construit, avec des personnages bien campés et bien joués. C'est un type de film qui me plaît, avec un final judiciaire, vrai morceau d'éloquence. On voit l'avocat à l'oeuvre, avec ses techniques et son éthique. Intéressant et bon moment.

  • La mule.

Bon film : une histoire des plus classiques (trafic de drogue, la mule étant le passeur), un personnage insolite (un vieil homme qui a passé sa vie à se consacrer à ses passions, les fleurs, les femmes, la route plutôt qu'aux siens), de l'action (la police cherche à démanteler le trafic), de l'amour (le vieil homme et son ex-femme qui l'aime encore malgré tout sur son lit de mort), de la réflexion (sur les plaisirs, le temps, l'argent, la place de la réussite, celle de la famille), un peu d'humour. Un côté un peu moraliste et traditionnel certes, mais je m'en moque. L'histoire et le film l'emportent. Bon moment de cinéma.

  • Un homme pressé.

Film d'autant plus décevant qu'il avait tous les ingrédients pour réussir: un homme qui ne fait que travailler fait un AVC. S'ensuit une confusion verbale qui aurait pu être autrement plus savoureuse avec Lucchini en convalescent condamné au ralentissement, au repos et à la rééducation. Il va réapprendre la relation à autrui, l'attention aux siens et à lui. PDG d'une société automobile qui doit présenter au salon de Genève (au "talon de Geneviève") une voiture électrique, Alain Wapler est prof à sciences-po, a chauffeur, aide à domicile, une fille qu'il a à peine le temps d'écouter. Son accident va rebattre les cartes. S'il y a quelques bons moments, le film est trop long et les trouvailles sont moins nombreuses que ce à quoi un tel sujet aurait pu laisser imaginer. Même les retrouvailles avec sa fille sur les chemins de Compostelle, si elles offrent quelques belles images et un chien en doudoune, semblent convenue et déjà vues bien des fois.

  • Un amour impossible.

D'après le récit éponyme de Christine Angot. Impossible c'est-à-dire interdit: ils s'aiment mais elle n'a pas d'argent et ils ne sont pas du même milieu. Elle ne sera pas acceptée parce qu'elle n'est pas du même monde que lui. Elle se contentera de profiter des instants qu'il lui offre, puis de la fille qu'il lui donne avant de disparaître, puis de réapparaître par intermittences, jamais pour l'épouser. D'emblée, il lui a dit qu'il ne saurait le faire. D'ailleurs, après avoir refusé de reconnaître sa fille, cet homme va apprendre à celle qu'il aime sans pouvoir l'épouser qu'il s'est marié avec une Allemande et a eu des enfants. La protagoniste élève sa fille, continue de travailler et de vivre sa vie, et finit toujours par accepter le retour et les choix de cet homme qui lui a donné une fille qu'elle aime. Certes, elle le rejette quand il lui annonce le choix du mariage avec une autre, mais quand il ressurgit des années après, elle pense œuvrer pour la construction de sa fille en lui permettant de revoir son père. 

Chantal découvre un père qu'elle n'a guère connu, un père cultivé et aimant, enfin… Il va en réalité abuser d'elle à l'insu de la mère, à de nombreuses reprises, à l'occasion de week-end qu'il passe seul avec sa fille, ravie d'abord de retrouver un père. 

Plus tard, elle mettra en cause sa mère et lui demandera la cause de son aveuglement: "Je croyais que quand tu n'avais pas l'air bien au retour des week-ends avec ton père, c'est parce que tu nous comparais et tu trouvais que je ne valais rien par rapport à lui" dit-elle en somme. Sa fille comprend alors le conditionnement féminin et la domination sociale: son père a rejeté sa mère en refusant de l'épouser, il l'a humiliée une première fois en refusant de reconnaître sa fille; puis à nouveau en lui annonçant son mariage tout en voulant continuer de profiter d'un amour ancillaire; lorsqu'enfin la mère obtient qu'il reconnaisse sa fille devenue adolescente et résorber une séparation, il va abuser de sa fille, forme de rejet social: l'humiliation comme marqueur d'une domination sociale. Pendant féminin des livres d'Eribon. Lecture sociale de l'inceste. Et la fille de demander pourquoi? Pourquoi l'as-tu aimé? Pourquoi ne pas avoir choisi ton amour de jeunesse, le beau Charlie si gentil? Pourquoi avoir recherché celui qui te mal traitait? 

Un film intéressant, malgré quelques longueurs, qui met en scène à la fois différentes formes d'amour (amour conjugal, passion, amour filial, amour maternel, …) ainsi que leurs perversions possibles: l'amour qui fait mal, l'amour interdit et incestueux...mais s'agit-il encore d'amour ? Le tout est donné à voir avec finesse, sans excès de manichéisme. Et l'on comprend que chacun peut se persuader qu'il a agi par amour alors qu'il n'est question au fond  peut-être que d'égoïsmes entre inégaux.

  • Amin.

 

Comme des morceaux de vies assemblés en une très belle rhapsodie sur un personnage type de notre monde contemporain: le travailleur qui a émigré en France. Amin a quitté le Sénégal, sa femme et ses enfants pour venir travailler sur des chantiers dans la région parisienne. Il travaille dur, comme tant d'autres, pour envoyer de l'argent aux siens. Il y retourne de temps en temps. Là-bas, sa femme l'attend et aimerait qu'il revienne car elle a besoin de lui à ses côtés. Les liens avec ses enfants sont marqués par beaucoup d'affection malgré la distance et l'intermittence prolongée des rencontres. Ici, il rencontre une femme séparée depuis peu d'un mari odieux, mère d'une adolescente avec laquelle elle aura un échange très lucide sur cet amour : la fille rappelle à sa mère qu'Amin est marié et a des enfants. Sa vie et son cœur sont là-bas, pas ici. A quoi la mère répond qu'elle sait tout cela mais qu'ils ont besoin l'un de l'autre, passent de bons moments, sans lendemain. Le téléphone portable est comme  un fil rouge qui relie chacune et chacun autant qu'il isole: Amin pour rester en contact avec le Sénégal; la jeune fille pour communiquer avec ses parents, sa mère notamment, ou se réfugier quand elle veut éviter d'être impliquée dans un conflit qui n'est pas le sien; la mère pour avoir des nouvelles de sa fille, et, de manière incidente, pour avoir des échanges avec son ex-mari. Et puis il y a les autres travailleurs du foyer, notamment Abdelaziz. Lui aussi travailler pour envoyer de l'argent au pays, construire la suite de sa vie au Maroc. Il se sacrifie pour les siens, pour ses filles qui reçoivent une bonne éducation. La pratique de la flûte unit père et fille, jusque dans cette scène très émouvante où la fille joue un air de flûte à l'aéroport, quand l'avion qui emporte le cadavre de son père au pays s'apprête à décoller. Abdelaziz devait repartir avec ses potes en car. Il accepte de rendre un dernier service qui lui sera fatal. Déjà qu'il ne devait pas avoir vraiment de pension de retraite parce qu'il avait travaillé au noir toute sa vie…. La satire politique et sociale apparaît en filigrane, et c'est heureux, car le propos principal, ce sont ces personnages très bien joués, leurs vies et leurs relations. La politique n'est qu'en arrière plan, subtilement. La satire concerne aussi les relations hommes/femmes : Aïcha tient tête aux frères d'Amin et à l'entourage masculin qui fait pression sur elle pour éviter qu'elle ne leur reprenne leur poule aux œufs d'or. La pression peut prendre la forme du possible opprobre jeté sur cette femme qui craint que son jeune mari ne soit pas aussi fidèle à elle qu'elle ne l'est à lui. J'ai beaucoup aimé ce film pour son scénario, sa construction, ses belles images, ses beaux visages, l'excellence du jeu des acteurs.

 

  • Capharnaüm

Fresque émouvante et bien construite qui met en scène plusieurs personnages qui constitueront la constellation de Zain, le protagoniste : le gamin est face au juge et incrimine ses parents, alors qu'il est lui-même déjà emprisonné. Zain leur reproche de l'avoir mis au monde. Le retour en arrière va permettre de comprendre pourquoi. Le gamin est épris de justice et fait preuve d'un caractère et d'une détermination extraordinaire : il se révolte quand il voit que la sœur qu'il aime tant est vendue en mariage alors qu'elle n'a que 11 ans par des parents qui n'ont plus de quoi payer le loyer. Il quitte le foyer, et va rencontrer dans son parcours initiatique une employée exploitée : Tigest, obligée de cacher son fils Yonas. Elle ne vit que pour lui. Il est sa vie. C'est un tout petit. Zain en quête de nourriture, d'argent et d'un emploi va s'occuper du petit et nouer une nouvelle relation fraternelle, avec ce frère d'humanité, ce petit bout de chou si mignon et si bien filmé. Il est si mignon qu'il intéresse le commerçant sans scrupules qui promet de vendre des papiers à Tigest. Elle sera emprisonnée, Zain et Yonas seront seuls jusqu'à de nouveaux rebondissements. Raconter l'histoire la rend fade car le film repose sur des relations, il est spectaculaire et émeut profondément. Tout particulièrement à la fin, quand on se retrouve au tribunal, Zain accusant ses parents, responsables indirects de la mort de sa sœur (grossesse qui vire à l'hémorragie, non soignée faute de papiers). Quand sa mère voit les choses de manière nuancée ("Quand Dieu te prend qch, il te donne qch: je suis enceinte"), Zain continue de se révolter et demande à ce qu'elle cesse de mettre des enfants au monde.

L'image finale, la seule souriante (le photographe dit à Zain venu faire une photo pour un passeport :"ce n'est pas une photo pour des funérailles") est très belle et laisse espérer un départ pour la Suède, loin des parents de sang, mais avec les parents de cœur, cette constellation composée de Tigest, de Yonas et d'une gamine des rues.

  • Shéérazade

Il sort de prison et sa mère n'est pas là. Elle se prostitue pour survivre. Il rencontre une pute dont il va devenir amoureux : compliqué quand personne ne respecte les putes, ni lui, ni ses potes du quartier, ni même sa mère. Marseille, misère, quartier, naissance des sentiments. C'est compliqué d'éprouver des sentiments. Conflits de loyauté. Une belle histoire avec une fin ouverte. Après la vengeance, le tribunal et l'heure du choix : faire allégeance aux anciennes connaissances ou assumer ses actes et son amour pour elle, quitte à retourner en prison. Et après ? La vie est enfin belle ou l'infernal cycle de la vengeance viendra-t-il briser une histoire qui pourrait être enfin heureuse? Bon moment de cinéma.

  • The Guilty

Film danois drôlement réussi qui se passe dans un centre d'appel du 112. Huis clos étonnant et captivant, haletant même. On suit d'abord des appels ordinaires plus ou moins graves jusqu'à cet appel d'une dame qui manifestement appelle à l'insu de l'homme avec lequel elle est. La sagacité de l'agent et sa détermination à vouloir sauver cette femme vont conduire à suivre une histoire que le spectateur ne verra pas, mais imaginera complètement à partir des conversations téléphoniques multiples. On découvre ainsi la personnalité et un morceau de l'histoire du protagoniste, l'horreur de ce qui s'est passé dans la maison du couple qu'on recherche dans une camionnette blanche. Le film est bien construit, et fait réfléchir. Il est assez bref et d'autant plus intense.

  • Douze jours

Documentaire de Depardon qui explore encore les marges de la société, non plus dans les tribunaux, mais dans un hôpital psychiatrique, pour des instants d'audience avec un ou une juge des libertés et de la détention. Belles images, beaux silences, instants de vérité, de réalité. Instructif et émouvant.