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MA BIBLIOTHEQUE IDEALE

Page créée en 2017

Archives 2008-2012, ici

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dernière modification: 01/03/2023

 

  Pourquoi un livre entre-t-il dans ma bibliothèque idéale?

  • Parce qu'il m'a beaucoup plu
  • Parce que j'aimerais le prendre avec moi si je devais n'en garder que quelques-uns
  • parce qu'il me semble tout particulièrement mériter l'attention des visiteurs de Simorgh
  • parce qu'il m'a touché
  • parce qu'il me semble très bien écrit
  • parce qu'il m'a fait réfléchir
  • j'oublie sans doute des raisons qui peuvent être cumulatives.

 

 

 

 

 

 

  • La Décision, Karine Tuil, 2022.

La juge Alma Revel doit se prononcer sur le sort d'un jeune homme suspecté d'avoir rejoint l'Etat islamique en Syrie. A ce dilemme professionnel s'en ajoute un autre, plus intime: mariée depuis plus de vingt ans à un écrivain à succès sur le déclin, Alma entretient une liaison avec l'avocat qui représente le mis en examen. Plongée dans un univers professionnel peu connu, avec des chapitres qui alternent entre les compte-rendu d'audition et la narration plus intime.

Le lecteur suit le raisonnement de la juge, une personne de conviction et de valeur qui cherche à rendre la justice. Le roman donne aussi à voir le pari aveugle que cela représente: s'en tenir aux faits et dire le droit plutôt que de s'attacher à ses propres représentations ? 

Déjà captivant, le roman devient tragique quand la narration permet de comprendre que malgré une décision qui semble juste, le présumé terroriste devient terroriste en acte, revendiquant haut et fort tout ce qu'il dissimulait si bien. Au-delà de la réflexion, captivante sur ce que décider peut signifier, il y a les histoires d'amour ; entre Alma et Emmanuel, mais aussi entre Alma et ses enfants, dont l'une perd son petit ami dans l'attentat, entre l'avocat Emmanuel son ex-femme et l'enfant handicapé qu'ils ont dissimulé pendant tant d'années...

Non seulement ce roman est captivant, mais il donne à réfléchir, il est bien écrit et il y a quelques très beaux passages, notamment sur l'amour.

  • La différence invisible, Mademoiselle Caroline, Julie Dachez, 2016.

 

BD offerte par Peggy à l'occasion de mon anniversaire. J'ai beaucoup aimé, me suis laissé surprendre, émouvoir et ravir par cette très belle histoire d'une jeune femme de 27 ans, Marguerite qui semble un peu anormale ou étrange ou bizarre ou spéciale ou un peu tout ça aux autres comme à elle-même, jusqu'à ce qu'elle comprenne les raisons de sa différence sociale. Elle est diagnostiquée autiste Asperger. 

 

Le texte le plus long finalement est peut-être la dédicace :

 

"C'est à vous que je souhaite dédier cette BD. Vous, les déviants. Les "trop comme ceci" ou les "pas assez comme cela".

Vous qui êtes un pied de nez au diktat de la "normalité".

Il n'y a rien à guérir chez vous, rien à changer. Votre rôle n'est pas de rentrer dans un moule, mais plutôt d'aider les autres -tous les autres- à sortir de celui dans lequel ils sont enfermés. Vous n'êtes pas là pour suivre une voie pré-établie mais, à l'inverse, pour emprunter votre propre chemin, et inviter ceux qui vous entourent à sortir des sentiers battus.

En embrassant votre identité profonde, en vous réconciliant avec votre singularité, vous devenez un exemple à suivre. Vous avez donc le pouvoir de faire voler en éclats ce carcan normatif qui nous étouffe tous et nous empêche de vivre dans les respect de la tolérance.

Votre différence ne fait pas partie du problème, mais de la solution.

C'est un remède à notre société, malade de la normalité."

 

 

Interrogé en 2020 par ma libraire (Les Temps modernes à Orléans) sur les 15 livres qui constitueraient ma bibliothèque idéale, je me suis résolu à lui répondre ceci : 

  • Le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupéry
  • A L'ombre des jeunes filles en fleurs, Proust
  • Le Sang sur Rome, Saylor
  • Pimp; mémoires d'un maquereau, Iceberg Slim
  • Les Identités meurtrières, Maalouf.
  • Voyages de Gulliver, Swift
  • Alice au pays des merveilles, Carroll
  • Fables, La Fontaine.
  • Le Comte de Monte Cristo, Dumas.
  • La Vie est un songe, Calderon
  • Le Mariage de Figaro, Beaumarchais
  • Syngué Sabour : pierre de patience, Rahimi.
  • Le Chant d'Achille, Miller.
  • Les Secrets de vos rêves, Nathan.

Evidemment une liste aussi restrictive est nécessairement révoltante car c'est oublier bien des livres. L'exercice (du caviardage! ) n'en est pas moins stimulant et mériterait d'être réitéré dans 10 ans peut-être...

 

 

 

  • Ce qu'il faut de nuit, Laurent PETITMANGIN, 2020.

 

Petit livre très émouvant qui met en scène un père et ses deux fils, leur amour, leurs parcours. La "moman" est morte voilà un moment déjà. Le père les a élevés seul, en grande partie. Le père est un militant de la CGT, un ouvrier lorrain. L'un des fils Frédéric -surnommé Fus- va militer pour le FN. L'autre fils, Gillou, partir étudier à Paris, à Sciences-Po. Les deux frères s'adorent malgré les divergences. Le père aime ses fils, malgré les divergences parfois radicales. Il y l'enfance, il y a le départ pour Paris de Gillou, première séparation, il y a l'homicide, le jugement, la prison pour Fus. Il y a ce narrateur (le père) qui a une langue populaire et qui exprime l'amour, même dans des choix parfois très singuliers. Et puis, il y a cette lettre qui clôt de manière ouverte et émouvante le livre. 

Petit bijou qui n'est pas sans rappeler Simenon et l'Horloger de St Paul de Tavernier, revu récemment. L'impossibilité de communiquer, l'incompréhension, et l'amour pourtant, tout le temps, malgré tout, envers et contre tout. Un amour réciproque, flagrant durant tout le livre entre les deux frères, mais aussi un amour réciproque entre Fus et son père, quoi que tout les oppose. Parce qu'il est son père, parce qu'il est son fils. Tout simplement.

 

Cette phrase, quand son fils est en prison, la tache que cela représente pour un père pourtant innocent : "Tout ce qui lui arrivait m'arrivait."

 

Et puis, après l'enfance marquée par l'amour, l'âge d'homme marqué par de longs silences, l'âge de l'incarcération et des retrouvailles au parloir, comme à la fin du premier film de Tavernier : 

"Voilà le genre de conversations. Ce n'était pas énorme, mais on revenait de loin. On tenait notre heure facilement. Bien sûr, il y avait de longs silences, mais ils étaient utiles, ce n'était pas du temps de parloir perdu. On en profitait pour se regarder un peu, se sourire de nouveau. S'apprivoiser." 

 

 

  • Sapiens: une brève histoire de l'humanité, Yuval Noah HARARI, 2011, 2015.

 

Si je devais faire une première comparaison destinée au profane, je dirais que Sapiens est à l'Histoire ce que Le Monde de Sophie est à la Philosophie: un parcours complet, une vue d'ensemble accessible au vulgaire, au non-initié, de haute qualité scientifique.

Sapiens est, comme son titre l'indique, Une brève histoire de l'humanité ...sapiens, les dernières pages laissant penser que nous sommes peut-être à la fin de cette histoire, et, à tout le moins à une nouvelle charnière de cette histoire du temps long.

L'auteur est professeur d'Histoire à l'Université hébraïque de Jérusalem. Il mêle Histoire et Science au cours d'un voyage intellectuel bouleversant. Véritable succès mondial depuis sa parution.

J'ai admiré l'ampleur et la clarté de l'approche, apprécié certaines interprétations nouvelles et parfois décapantes (passage sur les religions et le syncrétisme, réhabilitation du polythéisme,  réflexion sur le bonheur, analyse relative au succès du culturalisme, faux-nez du racisme, importance accordée aux ordres imaginaires pour expliquer la réussite de la monnaie, des empires et des religions, mise en exergue de notre indifférence notamment au sort des animaux...) J'ai aimé l'universalité de l'approche qui fait une place à Cortes aussi bien qu'à la guerre d'Algérie pour expliquer l'histoire dans la grande durée. Étonnement français? Je suis surpris du peu de place qu'il accorde à la Révolution française de 1789, qu'il ne fait qu'évoquer dans une perspective économique, voire dans sa distinction des différents humanismes.

 

Voici l'accroche, la quatrième de couverture, avant un compte-rendu plus détaillé:

"Il y a 100 000 ans, la Terre était habitée par au moins 6 espèces différentes d'hominidés. Une seule a survécu. Nous, les Homo Sapiens.

Comment notre espèce a-t-elle réussi à dominer la planète? Pourquoi nos ancêtres ont-ils uni leurs forces pour créer villes et royaumes? Comment en sommes-nous arrivés à créer les concepts de religion, de nation, de droits de l'homme? A dépendre de l'argent, des livres et des lois? A devenir esclaves de la bureaucratie, des horaires, de la consommation de masse? Et à quoi ressemblera notre monde dans le millénaire à venir?"

 

PREMIÈRE PARTIE: LA RÉVOLUTION COGNITIVE

DEUXIÈME PARTIE: LA RÉVOLUTION AGRICOLE.

TROISIÈME PARTIE: L'UNIFICATION DE L’HUMANITÉ.

QUATRIÈME PARTIE: LA RÉVOLUTION SCIENTIFIQUE.

 

 

PREMIÈRE PARTIE : LA RÉVOLUTION COGNITIVE

Au sein du genre Homo, plusieurs espèces, dont la nôtre : Homo sapiens.

Un modèle linéaire donne l'impression fausse qu'à tout moment un seul type d'humain aurait habité la Terre, et que toutes les espèces antérieures ne seraient que des modèles plus anciens de nous-mêmes. La vérité est qu'entre voici deux millions d'années et 10 000 ans, le monde a hébergé, en même temps, plusieurs espèces humaines...et que nous, les Sapiens, avons de bonnes raisons de refouler le souvenir de nos frères et sœurs.

 

 

DEUXIÈME PARTIE : LA RÉVOLUTION AGRICOLE.



Décalage entre la réussite au regard de l'évolution et la souffrance individuelle : pour l'immense majorité des animaux domestiqués, la Révolution agricole a été une terrible catastrophe. Leur "réussite" en termes d'évolution n'a aucun sens. La réussite numérique de l'espèce du veau n'est guère une consolation de la souffrance qu'endure l'individu.

Dans le cas du bétail, du mouton et du Sapiens, c'est-à-dire des animaux qui ont tous un monde complexe de sensations et d'émotions, il nous faut examiner comment le succès de l'évolution se traduit en expérience individuelle. Une augmentation spectaculaire de la force collective et le succès apparent de notre espèce sont allés de pair bien souvent avec de grandes souffrances individuelles.

Gardons-nous de toute illusion idyllique sur les « réseaux de coopération de masse » tels que l’Égypte pharaonique ou l’Empire romain. « Coopération » paraît très altruiste, mais celle-ci n’est pas toujours volontaire, et elle est rarement égalitaire. La plupart des réseaux de coopération humaine reposent sur l’oppression et l’exploitation. Ils étaient tous des « ordres imaginaires ». Les normes sociales qui les sous-tendaient ne reposaient ni sur des instincts enracinés ni sur des connaissances personnelles, mais sur l’adhésion à des mythes partagés (Cf. Peugeot SA ; le code -babylonien- d’Hammurabi vers -1776 ; la Déclaration d’indépendance américaine, en 1776)
[pages 132-136]

  • L’ordre social babylonien, affirme le code d’Hammurabi, s’enracine dans les principes universels et éternels de justice dictés par les dieux. Le principe de la hiérarchie est d’une suprême importance.
  • Comme le code d’Hammurabi, le texte fondateur américain promet que, si les hommes se conforment à ses principes sacrés, ils seront des millions à pouvoir coopérer efficacement, à vivre en sécurité, paisiblement, dans une société juste et prospère.

 

Hiérarchie vs égalité (issue du christianisme) ? Ces principes universels n’existent nulle part ailleurs que dans l’imagination fertile des Sapiens.

Les ordres imaginaires sont la seule façon pour les hommes de coopérer efficacement.

Importance des croyances qui sont comme les murs d’une prison car :

  • L’ordre imaginaire est incorporé au monde matériel
  • Il façonne nos désirs
  • Il est intersubjectif

Le dollar, les droits de l’homme et les États-Unis d’Amérique existent dans l’imagination partagée de milliards d’individus, et aucun individu à lui seul ne saurait en menacer l’existence.

Pour changer un ordre imaginaire existant, le concours d’un parti politique, d’un mouvement idéologique ou d’un culte religieux peuvent être précieux. Il faut surtout d’abord croire à un ordre imaginaire de substitution.

 

Entre -3500 et -3000, les Sumériens parviennent à soustraire leur ordre social aux limites du cerveau humain, ouvrant la voie à l’apparition des villes, des royaumes et des empires. Invention de l’écriture, qui est une méthode de stockage de l’information à travers des signes matériels.

L’écriture a progressivement changé la façon dont les hommes pensent et voient le monde. Libre association et pensée holiste ont laissé la place au compartimentage et à la bureaucratie.

Avant le 9ème siècle de notre ère, l’invention d’une nouvelle écriture partielle capable de stocker et de traiter des données mathématiques avec une efficacité sans précédent change la donne : ce sont les chiffres dits arabes (invention des Hindous découverte, comprise et diffusée par les Arabes). Langage dominant du monde qui explique qu’il faille apprendre à parler chiffres pour être influent.

L’écriture mathématique a donné naissance à un système d’écriture plus révolutionnaire encore : l’écriture binaire informatisée qui ne consiste qu’en deux signes : 0 et 1.

Ces ordres imaginaires ne sont ni neutres ni justes. Toute hiérarchie imaginaire désavoue ses origines fictionnelles et se prétend naturelle et inévitable.

  • La hiérarchie du code d’Hammurabi serait ordonnée par les dieux ;
  • La prétendue suprématie blanche s’appuie sur un discours pseudo scientifique ;
  • La hiérarchie de la richesse s’appuie sur une différence objective des capacités (sauf que tout le monde ne reçoit pas les mêmes chances du cultiver et d’affiner ses capacités) ;
  • La société des castes chez les Hindous reposerait sur des forces cosmiques.

Au final, aucune grande société n’a pu se passer de toute discrimination. Dans cette perspective, les hiérarchies, qui s’appuient sur des indices sociaux, remplissent une fonction importante et ont un intérêt majeur : le gain de temps.

Dans la plupart des cas, la hiérarchie est née d’un ensemble de circonstances historiques accidentelles puis s’est perpétuée et raffinée au fil des générations.

Cf. le système de castes hindou

Chacune a son statut, ses privilèges et ses devoirs

Le mélange des castes est interdit.

Importance des concepts de pureté et d’impureté.

La peur de la pollution s’enracine dans des mécanismes de survie biologique qui nourrissent chez les hommes une révulsion instinctive envers les porteurs de maladie potentiels comme les malades et les cadavres. Si vous voulez isoler un groupe humain -femmes, Juifs, Roms, gays ou Noirs-, le mieux est de convaincre tout le monde que ces gens-là sont une source de pollution.

La prolifération des castes et sous-castes (de 4 à 3000) n’a pas changé le principe de base du système.

PURETÉ EN AMÉRIQUE (NOIRS et BLANCS)

Les conquérants européens de l’Amérique moderne importèrent des esclaves d’Afrique plutôt que d’Europe ou d’Asie de l’Est pour trois raisons :

  1. L’Afrique était plus proche donc moins coûteuse.
  2. En Afrique il existait déjà un commerce d’esclaves bien développé.
  3. Les plantations américaines étaient infectées par la malaria (paludisme) et la fièvre jaune, originaires d’Afrique. Paradoxalement, la supériorité génétique (immunité acquise) se traduisit en infériorité sociale pour les Africains.

Mythes religieux et scientifiques sont ensuite mis à contribution pour justifier la division raciale.

Quand l’esclavage fut aboli, les mythes racistes justifiant l’esclavage persistèrent et les préjugés ne firent que s’enraciner dans une sorte de cercle vicieux : événement historique aléatoire=> domination des Blancs sur les Noirs => lois discriminatoires=> pauvreté et manque d’éducation chez les Noirs => préjugés culturels.

Cf le système de lois et de normes dit « Jim Crow » destinées à préserver l’ordre racial. Interdiction était faite aux Noirs de voter, d’étudier dans les écoles blanches, d’aller dans les magasins, les restaurants ou les hôtels fréquentés par des Blancs.

Au milieu du 20ème siècle, la ségrégation est à son apogée : Clennon King, l’étudiant noir qui voulut entrer à l’Université du Mississippi en 1958, fut interné de force dans un asile psychiatrique. Le juge trancha qu’un Noir était forcément fou s’il imaginait pouvoir y être admis.

Les relations sexuelles interraciales deviennent le tabou suprême Cf le rôle joué par le Ku Klux Klan, société secrète de défense de la suprématie blanche.

La culture esthétique américaine elle-même est construite d’étalons blancs : beau/laid.

 

LUI ET ELLE (HOMMES et FEMMES)

Dans toutes les sociétés humaines, la hiérarchie des sexes ou des genres est d’une importance extrême.

Le plus souvent, les femmes étaient purement et simplement la propriété des hommes. Dans beaucoup de systèmes juridiques, le viol entre dans la catégorie des violations de propriété : autrement dit, la victime n’est pas la femme qui est violée, mais le mâle qui la possède.

Violer une femme qui n’appartenait pas à un homme n’était pas considéré comme un crime, de même que ramasser une pièce perdue dans une rue passante n’était pas un vol. Un mari qui violait sa femme ne commettait pas de crime.

 

La division en hommes et femmes est-elle un produit de l’imagination, comme le système des castes en Inde et le système des races en Amérique, ou s’agit-il d’une division naturelle avec de profondes racines biologiques ? Et si c’est bien une division biologique, y a-t-il aussi des explications biologiques à la préférence données aux hommes sur les femmes ?

Comment distinguer ce qui est biologiquement déterminé de ce que l’on cherche simplement à justifier à travers des mythes biologiques ? « La biologie permet, la culture interdit » est une bonne règle empirique. La biologie permet aux femmes d’avoir des enfants, mais certaines cultures les obligent à réaliser cette possibilité. La biologie permet aux hommes de goûter ensemble aux joies du sexe : certaines cultures leur interdisent d’en profiter.

La culture a tendance à prétendre qu’elle interdit uniquement ce qui est contre nature. Dans une perspective biologique, cependant, rien n’est contre nature. Tout ce qui est possible est aussi naturel, par définition.

En vérité, nos idées de ce qui est « naturel » et « contre nature » ne viennent pas de la biologie, mais de la théologie chrétienne.

 

SEXE et GENRE :

La plupart des lois, normes, droits et obligations qui définissent masculinité et féminité sont un reflet de l’imagination humaine plutôt que de la réalité biologique.

Les spécialistes distinguent habituellement le « sexe », qui est une catégorie biologique, du « genre », qui est une catégorie culturelle. Le sexe est divisé entre mâles et femelles, et les qualités de cette division sont objectives et demeurées constantes tout au long de l’histoire. Le genre est divisé entre hommes et femmes (certaines cultures reconnaissent d’autres catégories). Les qualités dites « masculines » et « féminines » sont intersubjectives et ne cessent de changer. (Cf tableau de la page 181)

Les mâles doivent constamment prouver leur masculinité, tout au long de leur vie, du berceau au tombeau, dans une série interminable de rites et de performances. Et une femme n’en a jamais fini : elle doit sans cesse se convaincre et convaincre les autres qu’elle est assez féminine. Les mâles, en particulier, vivent dans la peur constante de perdre leur titre à la masculinité.

QU’Y A-T-IL DE SI BIEN CHEZ LES HOMMES ?

FORCE MUSCULAIRE

Si seules comptaient les capacités physiques brutes, Sapiens se serait trouvé au milieu de l’échelle. Or, ses talents mentaux et sociaux l’ont placé au sommet. Il est donc tout naturel que la chaîne du pouvoir au sein de l’espèce soit déterminée par les facultés mentales et sociales davantage que par la force brute. On a donc peine à croire que la hiérarchie sociale la plus importante et la plus stable de l’histoire se fonde sur la capacité des hommes de contraindre physiquement les femmes.

Au final l’histoire du genre reste déconcertante et mystérieuse.

 

 

 

TROISIÈME PARTIE : L'UNIFICATION DE L’HUMANITÉ.

 

De même que la culture médiévale ne parvint jamais à concilier chevalerie et christianisme, de même le monde moderne ne réussit pas à faire cadrer liberté et égalité. Mais ce n’est pas un défaut ni une faute. Ces contradictions sont un aspect indissociable de toute culture humaine. En fait, elles sont ses moteurs et expliquent la créativité et le dynamisme de notre espèce. Tout comme le choc de deux notes de musique jouées ensemble donne son élan à un morceau de musique, la discorde de nos pensées, idées et valeurs nous oblige à penser, à réévaluer et à critiquer. La cohérence est le terrain de jeu des esprits bornés.

On parle de dissonance cognitive, qui est un atout vital.

Si un chrétien veut réellement comprendre les musulmans qui fréquentent la mosquée d’à côté, il ne doit pas chercher un ensemble de valeurs immaculé cher à tout musulman. Il doit plutôt rechercher les situations sans issue, dites Catch-22, de la culture musulmane, les points où les règles se contredisent et où les normes se bousculent. C’est au point même où les musulmans vacillent entre deux impératifs que vous les comprendrez le mieux.

Tous les ordres imaginaires créés ont eu tendance à ignorer une partie substantielle de l’humanité.

Le premier millénaire avant notre ère vit l’apparition de trois ordres potentiellement universels : l’ordre monétaire, l’ordre impérial, et l’ordre des religions universelles telles que le bouddhisme, le christianisme et l’islam. Marchands, conquérants et prophètes furent les premiers qui réussirent à dépasser la division binaire issue de l’évolution, « nous contre eux », et à prévoir l’unité potentielle de l’humanité.

 

 

L’ODEUR DE L’ARGENT

L’essor des villes et des royaumes ainsi que les progrès de l’infrastructure des transports créent de nouvelles occasions de spécialisation, laquelle crée à son tour un problème : comment gérer un échange de biens entre spécialistes ? La plupart des sociétés inventèrent alors la monnaie.

La monnaie permet de comparer vite et facilement la valeur de marchandises différentes, d’échanger aisément une chose contre une autre et de stocker commodément la richesse.

La monnaie est un moyen d’échange universel qui permet aux gens de convertir presque tout en presque tout.

Coquillages, dollars, cigarettes (Auschwitz et prisons) n’ont de valeur que dans notre imagination commune. La monnaie est le système de confiance mutuelle le plus universel et le plus efficace qui ait jamais été imaginé.

La signature d’une autorité politique garantit la valeur de la monnaie (cf lourdeur des sanctions contre la contrefaçon monétaire). La monnaie est d’ailleurs un outil commode pour lever les impôts et payer les soldes.

Denier de l’empire romain, devient le nom générique des pièces. « Denier » est arabisé par les califes musulmans qui émettent des « dinars ».

Mais comment comprendre que des gens qui appartenaient à des cultures très différentes aient partagé la croyance en l’or ? En fait, dès que le commerce relie deux zones, les forces de l’offre et de la demande ont tendance à égaliser les prix des produits transportables.

Des chrétiens et des musulmans qui ne sauraient s’entendre sur des croyances religieuses pourraient néanmoins s’accorder sur une croyance monétaire parce que, si la religion nous demande de croire à quelque chose, la monnaie nous demande de croire que d’autres croient à quelque chose.

La monnaie est le seul système de confiance créé par l’homme qui puisse enjamber n’importe quel fossé culturel et qui ne fasse aucune discrimination sur la base de la religion, du genre, de la race, de l’âge ou de l’orientation sexuelle. Grâce à l’argent, même des gens qui ne se connaissent pas et ne se font pas confiance peuvent tout de même coopérer efficacement.

Cf. les « millarès », petites pièces carrées frappées par les conquérants chrétiens et ornées d’une inscription en arabe : « Il n’est de Dieu qu’Allah, et Muhammad est son prophète. » (Page 208)

Il existe pourtant une face cachée de la monnaie :

  • Tout ne s’achète pas : honneur, loyauté, morale, amour sont sans prix.
  • Si elle instaure la confiance universelle entre étrangers, cette confiance est investie non pas dans les hommes, les communautés ou les valeurs sacrées, mais dans la monnaie elle-même et les systèmes impersonnels qui la soutiennent.

 

Les gens comptent sur la monnaie pour faciliter la coopération avec des inconnus, mais ils ont peur qu’elle ne corrompe les valeurs humaines et les relations intimes.

 

VISIONS IMPÉRIALES

L’empire romain, maître du bassin méditerranéen, et l’irréductible Numance, qui chérit sa liberté. En -134, Scipion Émilien, l’homme qui a rasé Carthage, encercle, assiège et affame Numance dont les habitants finissent par incendier leur propre ville et par se donner la mort pour ne pas devenir esclaves de Rome. Symbole de l’indépendance et du courage espagnols, Numance est célébrée dans une tragédie de Cervantès, Le Siège de Numance, tragédie écrite …en espagnol, langue romane qui descend du latin de Scipion.

Un empire se définit par sa diversité culturelle et ses frontières flexibles.

Les empires ont été une des principales raisons de la forte réduction de la diversité humaine. L’idéologie impériale reconnaît l’unité foncière du monde, l’existence d’un seul ensemble de principes régissant tous les pays et tous les temps, ainsi que les responsabilités mutuelles de tous les êtres humains.

Les empires ont propagé une culture commune en leur sein.

Assimilation souvent douloureuse et traumatique, d’autant que la reconnaissance comme partie intégrante d’un tout se fit souvent au prix de luttes. (Cf Gandhi, mais aussi les Gaulois admis comme citoyens romains par Claude ; ou encore les Iraniens, les Turcs et les Berbères au sein du monde arabe ; décolonisations).

Depuis -200 environ la plupart des hommes ont vécu dans des empires et en 2015, si le monde reste politiquement fragmenté, les États perdent de leur indépendance : ils doivent se conformer à des normes internationales en matière de finances, de politique de l’environnement et de justice. Un empire mondial se forge sous nos yeux.


LA LOI DE LA RELIGION

Deux millénaires de lavage de cerveau monothéiste ont conduit la plupart des Occidentaux à ne voir dans le polythéisme qu’idolâtrie ignorante et puérile, stéréotype injuste.

La plupart des religions polythéistes en réalité reconnaissent l’existence d’une force ou d’une loi qui régit la totalité de l’univers (Cf. le Destin (Moira, Anankè) auxquels sont soumis les hommes aussi bien que les divinités grecques). L’intuition du polythéisme est propice à une profonde tolérance religieuse (non pas conversion des conquis mais adoption des nouvelles divinités).

D’ailleurs le seul dieu que les Romains ont longtemps refusé de tolérer est le dieu monothéiste et évangélisateur des chrétiens. L’Empire romain n’exigeait pas des chrétiens qu’ils abandonnent leurs croyances et rituels, mais attendait qu’ils respectent les dieux protecteurs de l’Empire et la divinité de l’empereur.

Il est à noter que plus de chrétiens moururent de la main d’autres chrétiens au cours du massacre de la Saint-Barthélemy (23-24 août 1572) que sous l’Empire romain polythéiste tout au long de son existence.

Si l’on peut considérer le judaïsme comme un « monothéisme local », les monothéismes vont jouer un rôle central dans l’histoire du monde avec la réussite du christianisme (qui s’empare du puissant Empire romain) puis de l’islam.

Il est intéressant de noter cependant le fossé entre les théories théologiques et les réalités historiques. La plupart des gens en effet ont eu du mal à digérer l’idée monothéiste : le christianisme, par exemple, se dote de tout un panthéon de saints, dont les cultes différaient peu de ceux des dieux polythéistes. Pays, professions, maladies ont leur saint : saint George pour l’Angleterre, saint André pour l’Écosse, saint Martin en France, etc.

 

De surcroît, les monothéismes ayant du mal à expliquer l’existence du Mal, les religions dualistes les ont influencés : ainsi le zoroastrisme (Zoroastre ou Zarathoustra, vers -1000 ou -1500) oppose un dieu bon (Ahura Mazda) et un dieu mauvais (Angra Mainyu). Gnosticisme et manichéisme opposent corps/matière et âme/esprit, créations d’un dieu bon et d’un mauvais démiurge.

Les monothéistes ne pouvaient être que captivés par les dichotomies dualistes, parce qu’elles les ont aidés à affronter le problème du Mal. Ces oppositions ont fini par devenir des pierres angulaires de la pensée chrétienne et islamique. Dieu vs Satan ; Ciel vs Enfer, perpétuation de l’âme après la mort du corps sont bien d’origine dualiste, non vétérotestamentaire.

 

Le monothéisme est un kaléidoscope d’héritages monothéiste, dualiste, polythéiste et animiste qui ne cessent de se mélanger sous une même ombrelle divine. Le chrétien moyen croit au Dieu monothéiste, mais aussi au Diable dualiste, aux saints polythéistes et aux spectres animistes. On parle de syncrétisme -qui pourrait bien être la seule grande religion universelle- pour désigner cette façon de professer en même temps des idées différentes, voire contradictoires, et de mêler des pratiques et des rituels tirés de différentes sources.

 

L’histoire religieuse du monde ne se réduit pas cependant à l’histoire des dieux : bouddhisme, taoïsme, confucianisme, stoïcisme, cynisme, épicurisme se distinguent tous par le mépris des dieux.

Pour tous ces crédos en effet, l’ordre surhumain qui régit le monde est le produit de lois naturelles, plutôt que de volontés ou de caprices divins. Une partie de ces religions de la loi naturelle continuèrent de croire à l’existence des dieux, mais à des dieux soumis aux lois de la nature non moins que les hommes, les animaux et les plantes.

 

Le bouddhisme est la plus importante des religions anciennes de la loi naturelle.

Sa figure centrale est un homme, Siddhârta Gautama qui résuma sa doctrine en une seule loi (Dharma ou Dhamma, loi universelle de la nature) : la souffrance naît du désir ; la seule façon de se délivrer de la souffrance est d’être pleinement libéré du désir, ce qui ne saurait se faire qu’en exerçant l’esprit à vivre la réalité telle qu’elle est.

Il convient donc de ne pas tuer, d’éviter la promiscuité sexuelle et le vol -autant d’actes qui attisent immanquablement le feu du désir-, pratiquer la méditation pour exercer l’esprit à focaliser son attention sur la question « Qu’est-ce que je vis ? » plutôt que « Que voudrais-je vivre ? ».

Atteindre cet état d’esprit est difficile mais pas impossible. Quand les flammes sont totalement éteintes, le désir laisse place à un état de contentement parfait et de sérénité, connu sous le nom de nirvana (littéralement, « extinction du feu »). Atteindre le nirvana, c’est être libéré de toute souffrance, éprouver la réalité avec une clarté absolue, être délivré des chimères et des illusions.

Gautama atteignit le nirvana. Aussi est-il connu sous le nom de « Bouddha » (« l’Éveillé »).

 

 

Au cours des trois cents dernières années, si les religions théistes n’ont cessé de perdre de l’importance, la modernité est une époque de ferveur religieuse intense si nous prenons en considération les religions de la loi naturelle : libéralisme, communisme, capitalisme, nationalisme, nazisme.

Nous définissons comme religion un système de normes et de valeurs humaines qui se fonde sur une croyance en un ordre surhumain.

Par exemple, le communisme a ses découvreurs, ses saintes écritures, ses fêtes, etc.

Si l’idée est difficile à accepter pour certains, on peut parler d’idéologies et de religions, avec des religions théocentriques et des idéologies athées qui prétendent se fonder sur des lois naturelles, auquel cas le bouddhisme est à ranger parmi les idéologies plutôt que parmi les religions.

 

Les religions théistes se focalisent sur le culte des dieux.

Les religions humanistes ont le culte de l’humanité ou, plus exactement, de l’Homo sapiens. L’humanisme s’est scindé en trois sectes rivales :

  1. L’humanisme libéral. La liberté individuelle est sacrosainte. Les droits de l’homme sont ses commandements. Honorer la nature humaine du meurtrier est une manière de rappeler à tout le monde la sainteté de l’humanité et de rétablir l’ordre. En défendant le meurtrier, nous remettons d’aplomb ce que le meurtrier a détruit.
  2. L’humanisme socialiste. Ce qui est sacré, c’est l’espèce Homo Sapiens dans sa totalité. Il veut l’égalité entre tous les hommes. L’inégalité est le pire des blasphèmes contre la sainteté de l’humanité.
  3. L’humanisme évolutionniste. Représenté par les nazis, il repose sur une définition différente de l’humanité, profondément influencée par la théorie de l’évolution. L’humanité peut évoluer ou dégénérer.

A l’aube du troisième millénaire, l’avenir de l’humanisme évolutionniste est incertain. Pendant soixante ans, après la fin de la guerre contre Hitler, il a été tabou de lier l’humanisme à l’évolution et de prôner des méthodes biologiques pour « élever » Homo sapiens au rang de surhomme. Aujourd’hui cependant, ces projets sont de nouveau en vogue. Nul ne parle d’exterminer des races ou des individus inférieurs, mais beaucoup envisagent d’utiliser notre connaissance croissante de la biologie humaine pour créer des surhommes.

Dans le même temps, entre les dogmes de l’humanisme libéral et les toutes dernières découvertes des sciences de la vie, s’ouvre un gouffre que nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer. En effet, les hommes de science sont de plus en plus enclins à soutenir que le comportement humain est déterminé par les hormones, les gènes et les synapses, plutôt que par le libre arbitre.

 

Méfiance à propos d’une approche déterministe et de la tentation de l’illusion rétrospective, d’autant que l’histoire est ce qu’on appelle un système chaotique de « niveau deux ». Si le temps est un système chaotique de niveau 1, les prévisions météorologiques sont possibles ; alors que le chaos de niveau deux est un chaos qui réagit aux prédictions le concernant, et qui se dérobe à toute prédiction exacte : les marchés, la politique, l’histoire…

 

Qu’on parle de théorie des jeux (Cf. la course aux armements laisse les rapports de force inchangés et fait du mal à tout le monde sauf à elle-même), de post-modernisme (la culture est faite de discours qui sont comme des virus) ou de mémétique (les cultures qui réussissent sont celles qui parviennent à reproduire leurs mèmes, indépendamment des coûts et des avantages pour leurs hôtes humains. Les cultures sont une sorte d’infection mentale ou de parasite, dont les hommes seraient les hôtes volontaires), il apparaît que la dynamique de l’histoire n’est pas vouée à renforcer le bien-être humain.

 

Autour de l’an 1500, l’histoire a fait un choix qui a changé non seulement le destin de l’humanité, mais aussi celui de toute vie sur terre. C’est ce que nous appelons la Révolution scientifique.

 

QUATRIÈME PARTIE : LA RÉVOLUTION SCIENTIFIQUE.

La révolution scientifique est un processus historique qui conduit à Alamogordo (16 juillet 1945, explosion de la première bombe atomique, au Nouveau-Mexique : l’humanité est en capacité de changer le cours de l’histoire et d’y mettre fin) et sur la Lune.

 

Elle repose d’abord sur la découverte de notre ignorance.

La science moderne est une tradition de connaissance unique, dans la mesure où elle reconnaît franchement l’ignorance collective concernant les questions les plus importantes.

Si Newton a montré que le livre de la nature est écrit en langage mathématique ; si nous savons l’importance des statistiques [depuis le fonds d’assurance-vie destiné aux veuves et orphelins des ecclésiastiques morts créé par Webster et Wallace (1744) à l’aide des tables de mortalité d’Emond Halley (aujourd’hui ce fonds est l’une des plus grande compagnie d’assurance du monde, la Scottish Widows) ] dans la plupart des sciences, nous constatons surtout que la Révolution scientifique et l’impérialisme moderne sont inséparables.

En effet, alors que les précédents chercheurs d’empire avaient tendance à croire qu’ils comprenaient déjà le monde à la perfection, leur conquête se bornant d’utiliser et de propager leur vision du monde, les impérialistes européens, en revanche, firent voile vers de lointains rivages dans l’espoir d’obtenir de nouvelles connaissances en même temps que de nouveaux territoires.

Christophe Colomb s’accrocha à son erreur jusqu’à la fin de sa vie. Dans son refus d’admettre son ignorance, il était encore un homme du Moyen-Âge.

Le premier homme moderne fut Amerigo Vespucci, marin italien qui prit part à plusieurs expéditions vers l’Amérique dans les années 1499-1504. Pour lui, Colomb avait découvert tout un continent inconnu des Écritures, des géographes antiques et des Européens contemporains.

En 1507, un cartographe respecté du nom de Martin Waldseemüller publia une carte du monde mise à jour, la première qui indiquât sous la forme d’un continent séparé la terre où avaient accosté les flottes européennes faisant voile vers l’Ouest, continent qu’il baptisa en l’honneur de celui qui l’avait convaincu : America.

Il y a une certaine justice poétique dans le fait qu’un quart du monde, et deux des sept continents, ait reçu le nom d’un Italien peu connu dont le seul titre de gloire est d’avoir reconnu : « Nous ne savons pas ! »

La découverte de l’Amérique fut l’événement fondateur de la Révolution scientifique.

1519, Cortes, les Aztèques et Tenochtitlan. (Page 344 et suivantes)

 

C’est seulement au 20ème siècle que les cultures non européennes adoptèrent une vision véritablement globale. C’est un des facteurs cruciaux qui menèrent à l’effondrement de l’hégémonie européenne. Au cours de la guerre d’Algérie (1954-1962), la guérilla algérienne triompha ainsi d’une armée française dont l’avantage technique, numérique et économique était écrasant. Les Algériens l’emportèrent parce qu’ils pouvaient compter sur le soutien d’un réseau anticolonial mondial et qu’ils surent mobiliser les médias du monde au service de leur cause, mais aussi l’opinion publique en France. La défaite que le petit Vietnam du Nord infligea au colosse américain repose sur une stratégie semblable.

 

William Jones, savant impérialiste qui conjecture l’existence d’une origine commune aux langues indo-européennes : le sanskrit parlé par les Aryens (Inde).

Association de la théorie linguistique et de la théorie darwinienne de la sélection naturelle : postulat de la race aryenne, réputée supérieure et susceptible de dégénérescence.

Le « culturalisme » a remplacé aujourd’hui le « racisme », durablement disqualifié. (Page 354) Parmi les élites actuelles, les affirmations sur les mérites contrastés des divers groupes humains sont presque toujours formulées en termes de différences historiques entre cultures plutôt que de différences biologiques entre les races.

 

Si la science a eu l’appui des empires, le capitalisme a joué aussi un rôle majeur dans le développement de la science comme des empires.

 

Dans l’économie prémoderne, peu de confiance en l’avenir, donc peu de crédit, donc croissance lente, donc peu de confiance en l’avenir. Le gâteau garde la même taille. Amasser un gros pécule est un péché car c’est aux dépens des autres. Aucune marge de crédit.

Le crédit, c’est la différence entre le gâteau d’aujourd’hui et celui de demain.

Avec la Révolution scientifique, survient la notion de progrès : pour peu que nous reconnaissions notre ignorance et investissions des ressources dans la recherche, les choses peuvent s’améliorer.

Croyance en la croissance du gâteau global.

1776 : Adam Smith, La Richesse des nations. L’égoïsme est altruiste. Tant que les riches investissent leurs profits dans la production, celle-ci augmente et le capital se développe. (Capital, non la richesse enfouie dans le sol ou dilapidée en activités improductives). La croissance économique est le bien suprême qui apporte justice, liberté, bonheur.

 

Christophe Colomb avait eu du mal a trouvé des investisseurs.

Pour accroître le nombre d’investisseurs potentiels et réduire les risques courus, les Européens se tournent vers des sociétés anonymes à responsabilité limitée.

Cf réussite hollandaise aux 16 et 17ème siècles, grâce au crédit.

Compagnie des Indes orientales (VOC créée en 1602, conquiert l’Indonésie)

La Compagnie hollandaise des Indes occidentales (GWC) sillonne l’Atlantique, fonde New York (1664) et défend sa colonie contre les Indiens et les Britanniques à l’aide d’un mur (aujourd’hui Wall Street).

Expansion des Pays-Bas qui gagnent leur indépendance sur l’Espagne.

Échec de la France, réussite de la Grande-Bretagne au 18ème siècle :

1717 : compagnie française du Mississippi fonde la Nouvelle-Orléans. Financement par des actions vendues à la Bourse de Paris. John Law, directeur de la Compagnie, gouverneur de la Banque centrale et contrôleur général des finances nommé par Louis XV.

 

Défiance à l’égard du système bancaire français, chute de l’Empire français d’outre-mer entre les mains des Britanniques et difficultés financières de la couronne française. Réunion des états-généraux pour trouver une solution à la crise.

 

Indifférence et cupidité ont conduit le capitalisme à tuer des millions de personnes.

Le gâteau peut-il croître éternellement ?

 

Révolution industrielle et seconde révolution agricole :

  1. Révolution industrielle= révolution de la conversion énergétique. Croissance britannique, pénurie de bois ; on se met à brûler du charbon de bois. Pour extraire aux parties inférieures des mines souvent inondées, on a l’idée de transformer l’eau en la chauffant. Les machines à vapeur se perfectionnent et la chaleur est convertie en mouvement. Associée aux métiers à tisser, la vapeur améliore la production textile puis sert à déplacer d’autres machines. 1825 : première locomotive à vapeur. Transport de gens : 1830, première ligne ferroviaire commerciale reliant Liverpool à Manchester. Moteur à combustion interne et pétrole. Électricité. L’énergie est partout autour de nous (fossile mais aussi solaire). Il nous manque pour l’instant les connaissances nécessaires pour la domestiquer et la transformer au gré de nos besoins.
  2. Seconde révolution agricole : machines, champs et animaux rendus plus productifs grâce aux engrais artificiels, aux insecticides industriels, aux hormones et aux médicaments. Rôle des réfrigérateurs et des transports pour transport et stockage. Mécanisation des plantes et des bêtes. Traiter des êtres vivants possédant tout un univers émotionnel complexe comme des machines ne saurait être pour eux qu’une source d’inconfort physique, mais aussi de fort stress social et de frustration psychologique. De même que le trafic d’esclaves transatlantique n’était pas le fruit d’une haine vouée aux Africains, ce n’est pas l’animosité qui inspire l’industrie animalière moderne, mais l’indifférence.

 

Pour la première fois dans l’histoire des hommes, l’offre a commencé à dépasser la demande. Problème nouveau : qui va acheter toute cette camelote ?

 

Produire ne suffit pas.  Apparition d’une nouvelle forme d’éthique : le consumérisme.

L’obésité est une double victoire pour le consumérisme. Au lieu de manger peu, ce qui provoquerait une récession économique, les gens mangent trop puis achètent des produits diététiques -contribuant ainsi doublement à la croissance économique.

Comment concilier éthique consumériste et éthique capitaliste (ne pas dilapider les profits mais les réinvestir dans la production) ? Les riches prennent grand soin de gérer leurs actifs et investissent alors que les moins nantis s’endettent pour acheter des voitures et des télévisions dont ils n’ont pas vraiment besoin.

Les éthiques capitaliste et consumériste sont les deux côtés de la même médaille, la fusion de deux commandements. Le commandement suprême du riche est : « Investis ! » Celui du commun des mortels : « Achète ! »

L’éthique capitalo-consumériste est la première religion de l’histoire dont les adeptes font vraiment ce qu’on leur demande de faire.

 

 

Importance des horaires : usine, et pour la concordance, écoles, hôpitaux, administration publique, épiceries. Rôle des transports publics. En Grande-Bretagne, on donnait l’heure de départ, pas celle d’arrivée. En plus chaque ville avait son heure locale. Avec la première liaison ferroviaire commerciale (1830) on va éprouver le besoin d’horaires identiques calibrés sur l’heure de l’observatoire de Greenwich (1847), principe généralisé par la loi en 1880. Réseau mondial d’horaires synchronisés. Rôle de la radio et de la télévision.

 

Révolution sociale : effondrement de la famille et de la communauté locale remplacées par l’État et le marché.

Cette révolution s’opère par le biais de l’éloge de l’individu(alisme). L’État et le marché sont le père et la mère de l’individu et l’individu ne peut survivre que grâce à eux.

 

La nation est la communauté imaginaire de L’État ; la tribu des consommateurs, la communauté imaginaire du marché.

Dans une perspective macro, le déclin de la violence est largement dû à l’essor de l’État.

20 à 40 habitants sur 100 000 sont assassinés au Moyen-Âge.

9 meurtres par an pour 100 000 habitants est la moyenne mondiale actuelle, déséquilibrée par ce qui se passe dans des espaces faibles comme la Somalie ou la Colombie.

On est à 1 meurtre par an pour 100 000 habitants dans les États centralisés d’Europe.

Et ce, en dépit des violences d’État.  (Page 432)

 

Les guerres de grande ampleur se déroulent désormais dans les régions dont la richesse reste une richesse matérielle à l’ancienne (Irak).

Si la guerre est devenue moins profitable, la paix est plus lucrative que jamais.

 

L’ouvrage s’achève par la question du bonheur et d’une histoire du bonheur. Rôle de la biochimie, question du nécessaire équilibre et de la dimension éphémère du plaisir dans une perspective évolutionniste.

Le Meilleur des mondes, Huxley (1932) : bonheur chimique nous paraît monstrueux.

Bonheur : non pas tant excédent de plaisirs par rapport aux déplaisirs, mais vision totale de la vie. Une vie qui a du sens et qui en vaut la peine. Ce sont nos valeurs qui font la différence. « Celui qui a une raison de vivre peut endurer n’importe quelle épreuve ou presque. » (Nietzsche).

 

Au fond, peut-être le bonheur consiste à synchroniser ses illusions personnelles de sens avec les illusions collectives dominantes. Dès lors que mon récit personnel est au diapason des récits de mon entourage, je puis me convaincre que ma vie a du sens et trouver mon bonheur dans cette conviction.

 

Importance du bouddhisme, de ne pas s’identifier à ses sentiments, à ses pensées, à ses goûts et dégoûts.

 

Le dernier chapitre (la fin d’Homo sapiens) ouvre des perspectives possibles avant de rappeler que rarement les prévisions se confirment. Ces fantaisies -ou cauchemars- ne sont que des stimulants de l’imagination.

 

 

 

 

 

 

 

 

  • L'Art de la révolte: Snowden, Assange, Manning, Geoffroy de Lagasnerie, 2015.

 

 NB: cet article s'inspire librement d'une note de lecture publiée par le magazine Sciences Humaines.

 

Essai très stimulant qui donne à entendre que ces trois lanceurs d'alerte comme les Anonymous, jouent un rôle politique inédit et novateur. 

 

Le premier niveau de lecture est celui d'un engagement politique rebelle pour corriger des injustices, à savoir dénoncer la surveillance de masse instaurée petit à petit dans nos démocraties au nom de la lutte antiterroriste.

 

Mais il y a plus! Les pratiques de ces acteurs du Net interrogent profondément notre identité de citoyen et mettent au jour l'impensé sur lequel repose notre conception de l'activité politique.

 

L’engagement collectif classique, même s’il évolue, partage les cadres et les structures des institutions qu’il remet en cause. En revanche, les actes de Snowden, d’Assange et des Anonymous relèvent de la révolte pure dans la mesure où ils bousculent des notions fondamentales : par l’anonymat (de certains) , ils dissocient l’action politique de l’espace public ; par la fuite, ils rejettent la responsabilité, et, partant, le pathos associé à l’engagement. Mais surtout, ils optent pour une nouvelle posture : le sujet politique, dans leur cas, se dénationalise, rejette l’appartenance nationale comme une contrainte imposée par la naissance. En célébrant les figures d’Assange, de Snowden et de Manning, G. de Lagasnerie compose un éloge du libre choix individuel, et voit en Internet de formidables potentialités de « désassujettissement ».

 

L'essai est séduisant et donne à réfléchir. Pour l'auteur, tout se passe au fond comme si après la révolution Gutenberg et la prospérité pluriséculaire de l'idée d’État-nation, s'ouvrait avec l'ère d'internet et ces figures de révoltés la possibilité d'une nouvelle ère politique mondiale dans laquelle des "citoyens du monde" pourraient remplacer les citoyens nationaux qui eux-mêmes avaient remplacé les sujets des royaumes.

 

"Avoir pour horizon mental le monde, faire émerger des regroupements électifs inédits et se déprendre de toutes les appartenances imposées (...) tels pourraient être les axes de l'art de la révolte qui émerge aujourd'hui, auquel prennent part celles et ceux qui parviennent à se définir comme "citoyens du monde."

 

L'auteur livre une analyse intéressante et inscrit Assange, Snowden et Manning dans la lignée d'Antigone notamment. Il y a là quelque chose de beau, peut-être de tragique si deux discours fanatiques s'opposent, comme dans le célèbre affrontement entre Créon et Antigone. Qu'en est-il des États, des garanties et services publics qu'ils fournissent gratuitement aux citoyens? (Sécurité, éducation, santé, etc.) Je ne puis m'empêcher de penser à la figure de Socrate, à la prosopopée des lois (qu'on retrouve chez Steinbeck dans Lune noire).  Celles et ceux qui ne se reconnaissent pas comme citoyen.ne.s de tel ou tel État, qui ne se sentent pas redevables, sont-ils des demi-habiles pascaliens, qui semblent avoir raison quand "ce serait être fou, par un autre tour de folie, [que] de ne pas être fou" (Discours sur les passions de l'amour, Pascal) Voilà une limite que je trouve à la démarche que je ne trouve pas moins intéressante à observer et qui n'enlève rien à l'analyse de Geofrroy de Lagasnerie.

 

 Quelques passages qui m'ont particulièrement plu:

  • "Je propose de les traiter comme des activistes, des personnages exemplaires qui font exister un nouvel art politique -une manière différente de comprendre ce que résister veut dire."
  • les enjeux qu'ils ont imposés? "le problème de la surveillance, de la vie privée et de sa protection, d'une part, et celui des secrets d’État et de la logique de l’État dans nos rapports à l'exigence démocratique, d'autre part."
  • "une surveillance omniprésente contre laquelle il n'y a aucun refuge."
  • WikiLeaks, les Anonymous: informer les citoyens sur les techniques de cryptage afin de développer les capacités de chacune et de chacun à brouiller ses communications et son identité sur Internet, et ainsi d'échapper à la surveillance."
  • secret d’État? Un leurre. En réalité "information publique mais dont le public est restreint". "Cette notion sert à instituer des frontières dans la légitimité de l'accès à l'information." Or "la privatisation de l'information enlève aux gouvernés la capacité de contrôler les gouvernants. Elle fonctionne comme un principe assujettissant." C'est l'une des "rémunérations symboliques les plus fortes que l’État procure à celles et ceux qui le servent." "un privilège de classe".
  • WikiLeaks: "Vie privée pour les faibles, transparence pour les puissants".
  • "L'idée d'une guerre contre le terrorisme et l'invocation de l'existence d'individus dangereux et menaçant la sécurité nationale sont utilisées par les États, en particulier les États-Unis, comme des instruments pour suspendre l'application de l'ordre juridique traditionnel afin d'accroître le caractère souverain de leur exercice du pouvoir. Les détenus de Guantanamo (le dénomination de "prisonniers" ne leur est pas accordée afin d'éviter qu'ils ne puissent réclamer les droits dont bénéficient les prisonniers ordinaires aux États-Unis) ne sont pas soumis à un pouvoir judiciaire."
  • Reprenant l'analyse de Giorgio Agamben dans État d'exception (1997), l'auteur écrit que "l'ordre juridico-politique est critiquable parce qu'il contient les notions d'exception, d'urgence, de nécessité, qui le défont de l'intérieur et en ruinent l'architecture et la prétention."
  • De même avec Judith Butler dans Vers la cohabitation (2013) dont la critique du droit vise à saisir les procédures d'exclusion à l’œuvre dans le droit -i.e. à mettre en lumière la façon dont le droit produit du hors droit ou, mieux, des situations dans lesquelles des individus, des groupes, des minorités sont dépourvus de protections juridiques (exilés, apatrides, réfugiés).
  • En somme, si l’État-nation dote certains individus du statut de citoyen, "cette opération d'inclusion n'est jamais totale."
  • Interroger les dispositifs est plus subversif que de tenir des propos, même très radicaux: Snowden, Assange et Manning incarnent un défi à la Loi elle-même.
  • Ils ne font pas de la désobéissance civile (laquelle agit par interpellation en se référant au sens de la juste, à la loi, à  la constitution, refusant d'accorder le monopole de ce qui est juste ou légal à ce qui est conforme à l'ordre du droit à un moment donné). Ainsi Chelsea Manning agit certes politiquement mais sans revendication publique. La pratique de l'anonymat des sources même,  revendiquée par WikiLeaks et les Anonymous notamment, si contraire à l'éthique journalistique classique montre bien qu'il y a volonté de dissocier l'agir politique et la publicité, de refuser un engagement ou une responsabilité. "L'activité contestataire peut être menée par chacun de son côté, invisiblement, devenir une pratique transitoire et fragmentaire." Snowden et Assange ont adopté une pratique solitaire de l'exil, refusant de se laisser pacifiquement et passivement arrêter pour être jugés. Aussi interrogent-ils l'éthique de l'appartenance et font-ils de la question de savoir avec qui nous contractons une question politique. En nous permettant de nous réapproprier ce qui est imposé, Snowden et Assange représentent des sujets politiques.
  • "l'enjeu essentiel n'est pas de changer sa communauté mais de communauté" En ce sens, le choix de l'exil est une pratique de désassujettissement.
  • Le sujet qui migre exerce "une sorte de droit à choisir sa nationalité."
  • Il n'est de communauté qu'imaginée (Benedict Anderson, L'Imaginaire national, 1996): si les origines de la conscience nationale sont liées à l'imprimerie, il se pourrait bien qu'internet vienne changer la donne et conduire à une dénationalisation des esprits et des imaginaires. "La politique n'est plus un geste par lequel un collectif donné d'avance se constitue comme communauté politique. C'est une interpellation qui vise à produire un nouveau groupe, une agrégation provisoire d'individus disséminés et pluriels, qui choisissent, à un moment donné, pour une raison précise, de s'allier. La dénationalisation des esprits est un processus de désassujettissement par rapport aux identifications contraintes, pour libérer une capacité à imaginer -et donc à instaurer- de nouvelles communautés, plurielles, hétérogènes et éphémères."

 

 

 

 

  • Contre nos peurs, changeons d'intelligence! Jacques Séguéla & Christophe HAAG, 2017.

 

Ouvrage inégal mais intéressant qui met en exergue une forme  d'intelligence méconnue et encore trop peu académique, l'intelligence émotionnelle associée à un quotient émotionnel, bien préférable au seul quotient intellectuel, qui n'évalue qu'une autre  forme d'intelligence, l'intelligence qu'on pourrait qualifier encore en 2017 de scolaire, analytique ou académique.

  • L'ouvrage propose d'abord une "sociologie de la peur", écrite par Jacques Séguéla: partie politique, de lecture fluide, un peu caricaturale assurément, mais là pour poser un cadre, décrire un contexte historique.

    Les deux autres parties, plus scientifiques, sont rédigées par Christophe Haag: psychologie de la peur et le QE au pouvoir.

     

    L'avant-propos de Séguéla avance que "la peur [est]un mot qui fait peur" et remarque que notre langue est "plus apte au fiel qu'au miel. Il existe tant de mots (maux?)pour dénommer la peur, de la frayeur à la terreur, de la neurasthénie à la mélancolie, de la frousse à la trouille, et un seul pour dire amour. Serions-nous  des stakhanovistes de l'inquiétude?"

    Séguéla d'ajouter qu'il a eu la chance de ne pas connaître la peur et de faire un tour du monde en 2CV avec un ami d'enfance après avoir réussi ses études en pharmacie. Il affirme avoir bien plus appris alors qu'à l'école en somme et souhaite montrer que la raison n'est pas tout, jusque dans le management.

     

    Sociologie de la peur:

    Pour introduire la notion de révolution émotion, Séguéla donne deux réponses à une même question. Que devient la neige quand elle fond? De l'eau/ le printemps, répondrons-nous selon qu'on est QIphile ou QEphile. Il en va de même avec valeur d'appartenance/ valeur d'usage (acheter une voiture ou la louer).

    Séguéla de terminer en évoquant quelques figures politiques qu'il a connues:

    • François Mitterrand, que d'aucuns jugeaient QI (cf ses lectures, sa culture et son verbe, ses écrits, ses saillies) était "en fait un parfait QE" (cf le séducteur de femmes et d'électeurs, son engagement infaillible contre la peine de mort en dépit des sondages.
    • Lionel Jospin, "intelligent jusqu'à l'intellectualisme, analytique jusqu'à la psychanalyse, méthodique jusque dans la rhétorique, maîtrisé jusque dans l'émotion, est le QI parfait. Tout comme François Hollande, "tout en réflexion, calcul, manipulation: pas le moindre affect hors de ses postures compassionnelles, figures imposées de son quinquennat."

    Pour  Séguéla, "l'arme fatale du politicien moderne reste la passion. JFK l'a inventée, Mitterrand magnifiée, Obama récupérée. Sarkozy en a usé et abusé, Hollande en a cruellement manqué." D'autant que "la façon de dire compte plus que ce que l'on dit." 70% de l'effet produit vient du faciès, 7% de l'intonation, 9% de la gestuelle, 14% du dit!

    La télévision s'écoute avec les yeux. Les auteurs ont tout à perdre, les acteurs tout à gagner.

     

     

    Psychologie de la peur:

    peur= modifications physiologiques= oxygène et sucre= se battre ou fuir et réfléchir= mise au repos du système digestif, du système reproducteur et d'une grande partie du système immunitaire pour mobiliser en priorité le cerveau, les bras et les jambes.

    (page 94)

    Problème: banalisation de l'anxiété= menace fantôme= "Et si..?"= cerveau confond anxiété avec peur.

    Utilité ET toxicité de la peur.

    Nécessité d'un antidote.

    QI élevé= souvent troubles anxieux

    Découverte d'une intelligence émotionnelle mesurable par le QE. Fin des années 1980. Peter Salovey (président de l'université de Yale depuis 2013) et Jack Mayer. (Barbara Leuner, dans les années 1970, était au fond comme un précurseur de cette découverte)

    Best seller, L'intelligence émotionnelle, du journaliste scientifique américain Daniel Goleman.

    David Wechsler, psychologue américain, auteur des célèbres échelles de mesure du QI est aussi l'un des premiers à suggérer que les éléments non analytiques, les facteurs affectifs, personnels et sociaux sont indispensables à la prévision de réussite d'un individu.

     

    Intelligence(s)

    1. visuo-spatiale
    2. corporelle-kinesthésique
    3. verbo-linguistique
    4. musicale rythmique
    5. pratique
    6. émotionnelle

    Les quatre premières sont recensées par Howard Gardner dans les années 1980. Les cinq premières impliquent la collecte d'informations, un apprentissage, un raisonnement.

    le QE est une "forme d'intelligence qui suppose la capacité à contrôler ses sentiments et émotions et ceux des autres, et utiliser cette information pour orienter ses pensées et ses gestes."

    Ce QE, bénéfique, peut se développer avec le temps (plasticité émotionnelle du cerveau).

    QE= conscience de soi, gestion de soi, gestion des autres.

     

    • compétence 1: collecte et identification de l'information émotionnelle.

    Importance de savoir identifier la peur chez soi comme chez autrui, car "nommer les choses, c'est leur enlever leur danger" (Amélie Nothomb, Péplum). Grâce au scan facial, au scan vocal (cf témoignage d'un ancien négociateur du Raid, l'importance de "se mettre au diapason")

     

     

    • compétence 2: comprendre l'émotion ressentie, ses origines et ses possibles conséquences.

    Sur quel chemin émotionnel suis-je engagé? Suivre cette autoroute ou m'en écarter?

    • A7= autoroute du Soleil: sérénité<joie<extase
    • A14= autoroute la plus chère de France= contrariété<colère<rage
    • A1= autoroute du Nord= soucis<tristesse<chagrin profond
    • la route des Yungas (Bolivie): "route de la mort"= appréhension<angoisse/peur>panique
    • la voie rapide Nationale 100 en Chine= l'une des + embouteillées du monde= ennui<dégoût<aversion

    satisfaction=>A7

    sentiment d'injustice ou obstacle ou après un échec=>A14

    sentiment de perte=>A1

    peur (menace ou danger)=> route des Yungas

    dégoût (objet ou situation immorale)> voie rapide Nationale 100

     

    Une erreur d'aiguillage et le problème reste non résolu!

    Importance de la juste mesure, d'un ressenti et d'une expression proportionnels au niveau d'importance de son déclencheur.

    avantages/inconvénients des sentiments:

    ENNUI: introspection & lucidité sur soi/dépression

    DÉGOÛT:

    éviter des menaces/mépris

    ENVIE:

    survie et repérage des rivaux potentiels/agressivité, rabaisser la personne enviée en lui faisant du mal.

    JOIE:

    résolution intuitive de problèmes, envie d'aller vers autrui, intégration au groupe/baisse de vigilance, pensées non productives, dérèglement alimentaire

    COLÈRE:

    lutte énergique contre les menaces, être combatif contre les injustices/ effets néfastes sur la santé, anxiété chronique, dépression

    FIERTÉ:

    estime de soi/arrogance

    PEUR:

    réagir face à un danger immédiat (fuite ou combat)/agressivité physique et symbolique voire inhibition de toute réaction quand elle est trop intense. Prise de pouvoir autoritaire, asservissement des autres afin qu'ils partagent notre manière de faire.

    ANXIÉTÉ:

    Force créatrice/réduction du champ attentionnel, ralentissement du processus de décision, détérioration des relations de travail, inhibition de la participation au sein d'un groupe au processus de prise de décision

     

    Les souvenirs "aidants" sont des empreintes émotionnelles en mémoire, consultables à tout moment par le cerveau (impression de déjà-vu)

    Histoire de Bob et la star/ "Quand un type pointe une arme sur toi, neuf fois sur dix, il ne va pas appuyer sur la détente. Il veut juste te faire peur."

     

    Le QE, par le biais du souvenir émotionnel qu'il ravive en nous, nous invite à suivre un comportement gagnant du passé...ou à ne surtout pas répliquer un comportement perdant du passé.

     

     

    • compétence 3: savoir réguler sa peur.

    réguler le débit/passer du chaud au froid ou vice-versa

    Face à une menace, notre amygdale limbique (pas celle de l'angine des enfants) prépare notre corps à l'action (combat ou fuite). Elle active notamment l'hypothalamus (on tourne alors la tête pour identifier la menace) et l'hippocampe (album des situations en mémoire).

    La peur est bonne conseillère le plus souvent, mais peut devenir notre pire ennemi.

    La régulation peut venir de l'intestin (qui possède son propre système nerveux et semble donc assez autonome par rapport au cerveau) qui, par l'intermédiaire du nerf vague, peut prendre les manettes sur le cerveau et refroidir l'amygdale, l'hypothalamus et l'hippocampe si la peur est infondée. Notre microbiote (ou flore intestinale) influence nos états émotionnels et nos humeurs.

     

     

    Le QE au pouvoir:

    influence de l'éducation parentale

    influence de l'éducation nationale, qui concentre actuellement encore surtout son enseignement sur le développement intellectuel de l'enfant (connaissances), un peu sur son développement physique et artistique, et très peu sur son développement social et émotionnel.

     

  • "Arrête avec tes mensonges!", Philippe BESSON, 2017.

 

Une époustouflante et émouvante histoire d'amour.

Ce "roman" se lit d'abord comme une histoire agréable, facile à lire, un livre dont on tourne les pages facilement: ce qui est déjà une qualité. Pour autant, cela ne suffit pas pour accéder à ma bibliothèque idéale. Au début, il devait rejoindre simplement mes notes de lecture. Mais voilà, au fil de la lecture, les deuxième et troisième parties, la construction du récit a emporté le tout.

De quoi s'agit-il ? Le livre est composé de trois longs chapitres qu'on pourrait appeler trois parties: 1984; 2007; 2016.

Le roman est dédié "à la mémoire de Thomas Andrieu (1966-2016)", qui se trouve être le personnage principal de ce roman écrit à la première personne. Le narrateur, "Philippe" (son prénom n'est cité que dans la lettre qui clôt le livre me semble-t-il), premier de la classe, homosexuel, fils d'instit, chétif, vit en 1984 une histoire d'amour inespérée avec Thomas, fils d'agriculteurs, homosexuel aussi ...sauf qu'il n'assume pas sa sexualité ni sur le plan familial, ni sur le plan social. Philippe accepte toutes les conditions qui rendent possible la poursuite de cette histoire d'amour impossible, inimaginable. Dans ce chapitre comme dans le roman, j'aime la sensibilité du narrateur à la précision historique du vocabulaire (juste un exemple: en 1984, on parlait de wagons, pas encore de rames. Et il y a quantité de précisions de ce type).

Notre narrateur a toujours aimé les fables, les fictions, ce qui explique dans un premier temps le choix du titre, injonction maternelle répétée bien souvent.  A la fin du livre, on comprendra l'ambiguïté de ce titre... Il s'agit peut-être en effet de ce que Thomas se dira à lui-même au moment de se donner la mort, par pendaison.

1984 s'achève pas l'obtention du baccalauréat: joie de l'avoir, tristesse de savoir ce qu'il signifie pour les deux amants. Leurs chemins se séparent, ce que Thomas avait dès le début perçu. Philippe quitte Barbezieux,près de Jonzac, pour faire ses études à Bordeaux. Quant à Thomas, il partira en Espagne.

 

2007: Philippe est devenu écrivain. Dédicace des livres à Bordeaux. Il aperçoit un homme qui ressemble fort à son amant de jeunesse, l'interpelle par son prénom. Il fait erreur. Enfin...Il se trouve qu'il s'agit du fils de Thomas, "l'enfant-jumeau": Lucas (prénom récurrent dans l’œuvre de l'écrivain). On assiste alors à une très belle scène de reconnaissance progressive, par respect pour le choix de Thomas. Beaucoup d'implicite, beaucoup d'intelligence de la part du fils de Thomas qui se veut l'intermédiaire. Ni Thomas ni Philippe ne saisiront cette occasion...

 

2016:  Lucas reprend contact avec Philippe. Il tient à le rencontrer et lui apprend la fin de son père. La pendaison, l'énigme, et l'épisode qui a précédé: la "défection" (passage magnifique), un diktat. Thomas a d'abord décidé de tout quitter: sa ferme, sa famille, ses biens, sa femme et son fils unique. Il disparaît en 2007, juste après que Lucas lui a appris sa rencontre avec Philippe, puis ressurgit 8 ans après à Jonzac. Plus personne ne parle à ce "sauvage". Sinon son fils. Et le fils, qui vit à présent en Californie, ce fils heureux et  souriant -autant que son père semblait triste- nomade autant que son père était sédentaire, Lucas donc, videra la maison de son père et trouvera des lettres conservées. Lettres de Philippe. Et une lettre destinée à Philippe. Lucas voulait revoir Philippe une dernière fois pour lui remettre cette lettre, qui clôt magnifiquement le "roman". Une lettre de 1984. Lettre d'amour, lettre de mort aussi, lettre d'un bonheur, à jamais perdu. Ce qui a causé cette perte? Le venin du mensonge à soi-même qui aura miné Thomas toute sa vie, Thomas qui se réconciliera peut-être avec lui-même dans la mort qu'il se donnera. Mensonge mortel, mais aussi éloge de la fiction que porte l'écrivain Philippe Besson. Lucas accepte que celui-ci écrire un roman comme il sait en faire. Roman de vie, roman de mort, roman d'amour.

Magnifique!

 

J'ai aussi aimé:

  • l'expression "morsure de l'attente" de l'amant. Il est juste dommage que le narrateur abuse de cette trouvaille et la décline en "morsure du manque/
  • "je suis le garçons des livres, des ailleurs."
  • "En fin de compte, l'amour n'a été possible que parce qu'il m'a vu non pas tel que j'étais, mais tel que j'allais devenir."
  • "Ce qui lui plaît chez moi est ce qui m'éloigne de lui."
  • "il m'émeut absolument (...) rien ne m'émeut davantage que ces instants d'abandon, d'oubli de soi."
  • "les effluves de son odeur me sauvent (...) son odeur intime (...) Ce qui subsiste de lui."
  • "A table à côté de moi, un de mes cousins, quatorze ans, racontait des exploits sexuels que j'ai présumés imaginaires à un camarade prépubère, et me poussait du coude pour connaître la nature exacte de mes conquêtes amoureuses (j'avais du reste hésité à lui dire: je suce des bites, tu veux savoir autre chose?)."
  • "avec le recul, je crois que c'est simplement la peur panique de la foule, de ses mouvements, de sa possible transformation en meute qui me poussait vers la misanthropie."
  • "Il lui serre la main avec une sorte de négligence, comme on le fait avec les vrais proches, ceux à qui on n'a rien à prouver. Aussitôt, je pense au monde dont je suis exclu, aux fraternités qu'il a construites et où je n'ai pas ma place, à ses jours ordinaires également, où je ne figure pas. L'ami incarne tout cela, le serrement de main symbolise tout cela. Moi, je suis le monde invisible, souterrain, extraordinaire. D'habitude, cette singularité me rend heureux. Ce soir, elle me fait bêtement souffrir."
  • "Il y a cette folie de ne pas pouvoir se montrer ensemble. Folie aggravée en l'occurrence par la situation -inédite-de se trouver au milieu d'une assemblée en devant se comporter comme des étrangers. Folie de ne pas pouvoir afficher son bonheur. Un pauvre mot, n'est-ce pas? Les autres, ils disposent de ce droit, ils l'exercent, ne s'en privent pas. ça les rend plus heureux encore, ça les gonfle de fierté. Nous, on est rabougris, comprimés, dans notre censure."
  • "T. et moi, on s'évite. Je me dis: qu'est-ce qu'il y a de nouveau, au fond? est-ce qu'on ne passe pas déjà le plus clair de notre temps à s'éviter? à se manquer? (et je souris du double sens de ce verbe -d'un sourire disgracieux, bien sûr; et même tragique).
  • "En France, des centaines de milliers de personnes défilent pour défendre l'école privée, qu'ils appellent l'école libre. La captation, l'usurpation de cet adjectif me rend fou. Ma conscience politique s'éveille."
  • "Je n'ai pas compris que le bac, c'est la fin de l'histoire."
  • "Je sais que Thomas n'a consenti à cette unique photo que parce qu'il avait compris (décidé) que c'était notre dernier moment ensemble. Il sourit pour que j'emporte son sourire avec moi."
  • "Je suis décontenancé par cet autre corps, si différent de celui de T. Je n'ai pas mes repères, c'est désagréable. C'est agréable, aussi."
  • "A la rentrée de septembre, je quitte Barbezieux. Je deviens pensionnaire au lycée Michel de Montaigne à Bordeaux. J'intègre une prépa HEC. Je débute une nouvelle vie. Celle qu'on a choisie pour moi. Je comble les espérances qu'on a placées en moi, je me plie à l'ambition qu'on nourrit pour moi, j'emprunte la voie qu'on m'a tracée. Je rentre dans le rang. J'efface Thomas Andrieux."
  • "j'aurais poursuivi mon chemin, reconquis ma solitude."
  • "des militaires qui quittaient leur garnison pour une permission de deux jours, de leurs uniformes, (...), de leur virilité décomplexée."
  • "la mise à nu d'une incomplétude amoureuse."
  • A propos de la défection du père: "Il voit dans son geste quelque chose de romanesque et dangereux, la manifestation d'une insoumission, d'une indiscipline, un désir irrépressible de liberté, le besoin de s'affranchir. Et puis un élan. Cela lui plaît et le rassure, certains soirs, d'envisager que c'est ce même élan qui est à l'origine de la disparition de son père. Dans le mot défection, il y a une autre idée: son père lui a manqué. Et le double sens de ce mot convient absolument. D'abord une faute, une infraction, une violation. Il s'est dérobé à ses obligations, écarté des routes droites, il a enfreint les règles non écrites, péché contre l'ordre établi, joué contre son camp, piétiné la confiance placée en lui, offensé ses proches, ses amis, il a trahi."
  • "Philippe,

Je vais partir en Espagne et je ne vais pas revenir, en tout cas, pas tout de suite. Toi, tu vas rejoindre Bordeaux et je me doute que ça ne sera que la première étape d'un long périple. J'ai toujours pensé que tu étais fait pour les ailleurs. Nos chemins se séparent ici. Je sais que tu aurais aimé que les choses se passent autrement, que je dise des mots qui t'auraient rassuré, mais je n'ai pas pu, et, de toute façon, je n'ai jamais su parler. A la fin, je me dis que tu as compris. C'était de l'amour évidemment. Et demain, ce sera un grand vide. Mais on ne pouvait pas continuer; tu as ta vie qui t'attend et moi, je ne changerai pas. Je voulais juste t'écrire que j'ai été heureux pendant ces mois que nous avons passés ensemble, que je n'ai jamais été aussi heureux, et que je sais déjà que je ne serai plus jamais aussi heureux."

 

 

 

 

  • Les Secrets de vos rêves, Tobie Nathan, 2016.

 Professeur de psychologie à l'université Paris VIII, représentant français de l'ethnopsychiatrie, Tobie Nathan nous livre là un ouvrage à la fois singulier et universel sur nos rêves: singulier car il n'a pas la prétention de nous donner la signification des nos rêves, mais universel car à travers l'examen de cas singuliers, il nous offre des exemples, une méthode et quelques conclusions fort utiles pour accéder aux secrets de nos propres rêves.

 

Le rêve est selon lui comme un guide, ce qui nous permet à la fois de rester le même et de changer. Il rapporte d'ailleurs à ce propos une fable que lui racontait sa mère quand il était enfant: chaque jour, nous avons une âme nouvelle et la nuit, le rêve est le moment des transmissions, du dialogue entre notre âme du jour et celle du lendemain.

Le rêve est selon lui une machine à fabriquer des solutions, et s'il insiste (récurrence) c'est que nous n'avons pas encore réalisé notre rêve, résolu un problème.

Son approche comparée (mondiale) lui permet de caractériser la sexualité qui se manifeste durant l'érection du sommeil paradoxal comme "automatique", brute, sans objet, dénuée de désir. Les comparaisons culturelles (la sphinge antique, le djinn Aboughtass qui symbolise en arabe le cauchemar ("celui de l'étouffement"), le dorlis en Martinique) permettent de penser le rêve comme un espace où les humains sont susceptibles de rencontrer des êtres qui demeurent invisibles à l'état de veille, y compris des morts.

 

Tobie Nathan a toujours pensé que la grandeur du métier de psychologue se mesurait à la capacité du professionnel à prédire, à accompagner la personne dans un devenir, et non à décrire, à expliquer, à la replonger dans son passé, voire à l'y assigner. Voilà pourquoi il croit que le rêve, machine à fabriquer des solutions, est nécessairement préfiguration d'un avenir, une pré-vision. Il rapporte alors (pages 43-44) une nouvelle/parabole ("Les deux qui rêvèrent") lue dans un recueil de Jorge Luis Borges, Histoire universelle de l'infamie). [le texte sera à retrouver prochainement dans les textes du mois.]

Ce récit, tiré d'un conte des Mille et une Nuits, met en évidence l'importance de la tierce personne: l'interprète ou onirocrite. Le rêve en effet n'a pas de signification: il contraint à l'interprétation. Cela confère une responsabilité importante à l'interprète, qui devra trouver une interprétation dans un sens favorable. Une interprétation est correcte lorsqu'elle satisfait trois conditions: apaiser l'esprit, résoudre un problème et proposer une action dans la vie réelle.

 

Chacun des chapitres repose sur le récit d'un rêve singulier qu'un lecteur ou une lectrice de "Psychologie Magazine" lui a raconté. S'en suit un entretien téléphonique pour mieux connaître le rêveur/la rêveuse. Chaque chapitre s'achève par un conseil, toujours personnalisé, souvent original et inattendu, toujours juste et adapté me semble-t-il. C'est ainsi par exemple qu'après une interprétation partagée d'un rêve (la voiture roule sans chauffeur) montrant qu'on ne peut compter sur le regard de l'autre, sur son affection, pour se délester de fardeaux qui encombrent depuis l'enfance parce qu'ils collent à la peau comme une souillure, notre onirocrite conseille de remplacer le sel de mer -que la rêveuse met habituellement dans son bain-par de l'huile consacrée (elle est croyante). Le rêve la conduira à une purification susceptible de la rendre plus ouverte aux rencontres.

 

Un rêve qui se répète, qui insiste et s'impose, contient une décision d'existence, un choix de vie auquel on s'est engagé par une promesse intérieure. En prendre conscience peut aider à s'en libérer, une fois qu'on l'a bien identifiée.

 

Le rêve peut se transformer en cauchemar quand il ne parvient pas à accomplir la fonction qui lui est dévolue, celle de créer de l'inédit. Il signaler alors un problème et chaque fois échoue à le résoudre. Il peut se reproduire des années durant, tant que l'on n'aura pas trouvé le moyen de surmonter une difficulté.

 

A propos de la paralysie, associée à certains cauchemars, ou du sentiment d'étouffement, Tobie Nathan explique que d'un point de vue neurologique, un cauchemar est une mauvaise coordination des réveils des différentes parties du cerveau. Tout se passe comme si la conscience s'éveillait avant que soit levée la paralysie musculaire -atonie musculaire durant le sommeil paradoxal. Le cauchemar-paralysie, qui associe paralysie et sentiment d'urgence, est un signal d'alarme qui avertit d'un danger.

 

A propos de la méthode, il faut commencer par le détail du rêve qui dénote: interpréter une bizarrerie apparaissant dans un rêve consiste à rechercher à quelle condition elle devient plausible. Ainsi dans un rêve, une femme se rassure d'avoir sa lime à ongles pour se défendre, quand surgit un homme derrière son dos. A la question: "Comment pourrait-on se défendre avec une lime à ongles?", Tobie Nathan répond: "C'est possible à condition de considérer que la séduction est une arme."

Ou encore, à propos d'un appartement dont une rêveuse serait locataire à son insu, il s'agit peut-être de son propre foyer qu'elle ne parvient pas à habiter. Il se trouve que cette rêveuse raconte que ses propres parents n'ont jamais réalisé son existence tant ils étaient préoccupés par leurs permanentes disputes. Seule sa grand-mère l'aimait d'un amour authentique. Depuis sa mort, le monde n'est plus tout à fait habité, plus tout à fait vivant. Notre onirocrite conseillera à sa rêveuse d'aller parler à sa grand-mère, à voix haute, au cimetière, pour que celle-ci intercède en sa faveur.

 

1 partir du détail qui dénote (à quelle condition est-il plausible?)

2 trouver les pensées qui ont été brassées pour nommer précisément ce qui est mis en scène (quelle douleur par exemple?)

3 proposer une action dans la vie réelle.

 

Tobie Nathan discute la notion freudienne de rêves typiques qu'il ne juge pas tout à fait pertinente. A une rêveuse qui rapporte qu'elle tombe dans le vide, après entretien avec elle, il explique qu'à assumer sans réserve la position de référent, on fait, à terme, disparaître la personne. On ne peut, à la fois, être le plancher et la personne qu'il supporte.

A une lectrice qui rêve d'avoir honte d'être vue nue, il rappelle que la nudité en rêve révèle souvent la présence d'un double de la personne, d'un autre soi-même. J'aime beaucoup le conseil qu'il donne à Élodie (page 245): édicter une règle qu'elle imposera à son mari. Le vendredi (jour de Vénus) elle lui interdira l'accès de sa chambre et ce sera un jour pour elle, pour l'autre Élodie.Et s'il insiste malgré tout, repoussez-le d'abord. Et s'il gratte à votre porte en suppliant, acceptez-le, pour cette fois seulement. Le plaisir se glisse dans les failles de l'organisation du quotidien."

 

A propos des rêves de perte (bagages, portefeuille, papiers d'identité, chéquier, etc.), l'auteur explique qu'ils doivent être considérés comme des exercices d'habituation. Préparation (parfois annonce) d'une métamorphose.

 

Au final, le rêve brasse inlassablement les possibles, explore les chances qu'on a ratées et les choix possibles pour l'avenir. Le rêve est en général plus audacieux, plus critique, plus intelligent que le rêveur.

 

 

Livre extraordinaire qui m'a beaucoup appris et ouvert les yeux...comme en rêve! J'en resterai là car j'ai appris que durant le sommeil paradoxal, on a d'un côté l'atonie musculaire et de l'autre, trois organes  bien réveillés: le cerveau (activité électrique semblable à celle de la veille), les yeux (agités d'un mouvement rapide et périodique) et le sexe (en érection), ce qui fait écrire à Tobie Nathan (page 16) en résumé: "un cerveau avec de grands yeux et un sexe en érection."

 

 

  • Votre Cerveau, Michel Cymes, 2017.

Bon ouvrage de vulgarisation scientifique organisé en quatre parties:

  1. Votre cerveau a bon appétit
  2. Votre cerveau aime les bonnes habitudes
  3. Le cerveau, centre de la mémoire
  4. Votre cerveau peut flancher

 

En somme c'est un ouvrage à feuilleter régulièrement riche en informations et en conseils.

On y apprend notamment ....

  1. Votre cerveau a bon appétit
    • oméga 3: acide gras naturel qui ne peut être par l'organisme humain. Autrefois appelé vitamine F, il est utile au sommeil, au performances cognitives comme à notre rapport au plaisir. On le trouve dans le saumon, dans la mâche, dans l'huile de chanvre, dans l'huile de lin (une cuiller à soupe par jour, petite bouteille car elle rancit rapidement), dans l'huile de colza, dans les œufs (enrichis en oméga 3 quand la poule a mangé des graines de lin), dans les crevettes (fraîches plutôt que congelées/salées), dans les graines de chia, dans le maquereau, dans les noix (achetées avec leur coque), dans la sardine (riche d'ailleurs en vitamine D, antifatigue utile notamment l'hiver, quand l'ensoleillement est moindre).
    • le poisson:en conserves au naturel (sans quoi les nutriments migrent vers la matière grasse qui file dans l'évier!), frais (cuisson douce sans ajout de matière grasse), surgelé, fumé/salé plutôt que pané/frit (riche en oméga 6)
    • les huiles: varier pour éviter les excès (trop d'oméga  6 nuit aux omégas 3): tournesol (oméga 6), noix ou colza (oméga 3), olive (acides gras mono-saturés).
    • raisin : ses antioxydants feront la guerre aux radicaux libres (déchets produits en permanence par les cellules).
    • avocat: aliment du bonheur qui agit sur nos capacités d'apprentissage et notre sociabilité. Son nom vient d'un mot aztèque (ahuacatl) qui signifie "testicule". Rien ne se perd, pas même le noyau, comestible(l'écraser ou le râper pour le réduire en poudre pour salade et/ou soupe). NB son liquide laiteux, au contact de l'air, devient une encre indélébile rouge qu'utilisèrent notamment les conquérants espagnols.
    • l'amarante (graine): bonne pour la mémoire.
    • le fer (persil, lentilles, fruits secs, sésame, tofu, haricots blancs, huîtres, porc, agneau...) est un convoyeur de l'oxygène. NB l'absorption du fer est améliorée par un fruit riche en vitamine C (kiwi, agrume) en fin de repas, mais amoindrie par la théine prise après le repas.
    • la vitamine B12 pour la mémoire.
    • la vitamine B9 (les folates) pour moins déprimer: betterave, fenouil, mâche, œufs.
    • les choux (rouge, de Bruxelles, brocoli...) sont des antioxydants. Comme les baies d'ailleurs (cassis, myrtille, mûres, goji...) à consommer entières plutôt qu'en jus (chair et graines sont riches en nutriments).
    • les algues (spiruline, klamtah, salicorne dite haricot de mer, chlorella), en salade ou en accompagnement. Elles contiennent de l'iode, des vitamines, des minéraux, des acides gras et acides aminés. Déshydratées, en conserve ou sous forme de compléments alimentaires. Commencer progressivement pour éviter tout trouble digestif.
    • Chocolat noir, c'est bon pour le moral! Noir, au moins 70% de fève de cacao. Il contient sérotonine, dopamine, polyphénols, fer et magnésium. Nutriments aussi bons pour la vue, la formation osseuse et la fertilité. Il calme aussi efficacement  les quintes de toux. Un petit morceau de chocolat à la fin du repas est donc conseillé. Associé à la banane, plein de magnésium assuré, utile pour combattre fatigue, anxiété et nervosité.
    • le sucre: un peu de sucres simples (50 grammes par jour) contenus dans le sucre blanc (saccharose/ issu de la betterave TB; mais raffiné quand il vient de la canne à sucre, il perd ses vitamines et sels minéraux) comme dans les fruits (fructose) car ils sont absorbés rapidement. Après un effort sportif et au réveil. En excès, il est transformé en mauvaises graisses stockées dans le bedon notamment. Les sucres complexes (riz complet, légumes secs, pois chiches, boulgour entier, patate douce, pommes de terre, pâtes complètes al dente (croquant sous la dent, sans quoi les sucres lents peuvent se transformer en sucres rapides, pain complet, céréales complètes) permettent au contraire de réguler le taux de sucre dans le sang et épargnent la tentation du grignotage.
    • gare à l'excès de sel!(charcuterie, fromages, plats cuisinés) Préférer les herbes épices et arômes pour relever le goût des plats (viandes et légumes), le jus de citron pour les poissons et salades de crudités.
    • l'huile de foie de morue: une cuiller à soupe, notamment l'hiver, permet de faire le plein de vitamine D qui fait défaut aux dépressifs. Si elle n'a pas bon goût, elle est donc bonne pour notre moral!
    • l'asperge: donne de l'énergie et joue sur la motivation.
    • le poivron: pourvoyeur de vitamine B1, il est bon pour le moral.
    • la tomate: son lycopène est un antioxydant, utile contre le vieillissement et la dépression. Son sélénium est un oligoélément bon pour prévenir le stress et garder sa bonne humeur.
    • la mozzarella di bufala : elle permet la libération de sérotonine, hormone du bonheur.
    • le parmesan:  il contient du tryptophane, acide aminé qui aide à la production de sérotonine.
    • la dinde: pour dormir (mélatonine) et garder le moral (sérotonine)
    • les lentilles: riches en magnésium, elles sont utiles contre le stress.
    • le quinoa: antidépresseur naturel.
    • la pomme: elle apaise et redonne de l'énergie.
    • de l'eau! Si possible en dehors de repas et avant d'avoir soif. Le cerveau est composé à 80% d'eau. NB Le concombre, le radis, la tomate, le poivron, le brocoli, le chou-fleur, la pastèque, le melon... contiennent eux-aussi beaucoup d'eau. Urines claires= bonne hydratation (suffisante).
    • le thé pour s'hydrater: infusion de 10 minutes, en feuilles plutôt qu'en sachets. Ne pas brûler le thé avec une eau bouillante à 100°C. Thé vert japonais (Sencha, Gyokuro, Matcha...). Le boire à distance des repas, sans quoi il diminue l'absorption du fer.
    • Pourquoi aimons-nous la malbouffe? L'addictologie des aliments repose sur la dynamique des contrastes (croustillant-fondant), sur la réponse salivaire, la disparition de la densité calorique (aliments qui semblent fondre dans la bouche), la force du souvenir...Autant d'éléments étudiés par les industriels car ce sont de véritables leurres pour notre cerveau.
    • Comment éviter les manipulations du cerveau?  Ne pas acheter de "saloperies", étudier les couleurs, fuir la nourriture conditionnée, observer la règle des 5 ingrédients maximum, redécouvrir les épices, donner au cerveau ce qu'il aime, acheter frais, faire le compte de nos économies, être parano (stratégies commerciales, cheminement dans les magasins, odorat, placement des produits (à hauteur de vue...et les autres?), ouïe (musique)

     

  2. Votre cerveau aime les bonnes habitudes
    • bien dormir:bouger dans la journée, faire du sport, avoir des activités manuelles (cuisiner, jardiner, peindre...), manger intelligemment (léger le soir), dormir dans le noir, écouter les signaux du sommeil. Pour les insomniaques, Michel Cymes préconise plantes, huiles essentielles, oligo-éléments et un exercice ...de jambes en l'air à faire seul.e! (page 86) Une sieste efficace se fait après le déjeuner, entre 13 et 15h: elle dure de 10 à 30 minutes, dans un lieu calme et à l'abri de la lumière. Il déconseille l'excès de somnifères (risques de démence)
    • le cerveau et les écrans: s'interroger sur nos usages, s'occuper des importuns qui ont tendance à nous harceler. Leur indiquer le mode de communication qui a notre préférence, voire des horaires, en demandant des demandes regroupées. Distinguer clairement le pro et le perso (cf onglets multiples) pour clarifier l'usage. Ne faire qu'une chose à la fois. Garder en tête que l'ultra-connexion exprime un besoin d'être aimé, trahit des peurs (de manquer de reconnaissance sociale, de ne pas être aimé, de ne pas être valorisé, de ne pas exister, d'être dépossédé de son pouvoir...)
    • Le cerveau et le stress:contre le mauvais stress qui abîme le cerveau, s'organiser, méditer, redéfinir ses priorités... On peut évaluer son stress grâce aux travaux de Holmes et Rahe (pages 104-105). Toujours garder en tête que l'entente avec le conjoint, les amis, le sommeil de qualité, le fait de se sentir bien chez soi sont autant de sources de stress positif. Pour diminuer le stress, écrire une lettre qu'on n'enverra jamais est très utile. Penser aussi à déplacer ses meubles, à avoir une photo culte encadrée (moment ou lieu magique par exemple), à limiter le nombre de bibelots, à prendre soin de soi, à ouvrir les fenêtres, à ranger, à dire "bonjour!", à fuir la solitude, à jouer, à payer ses factures, à aller faire un tour dehors (lumière naturelle et vitamine D), pratiquer la respiration ventrale ou diaphragmatique au moins 3 fois par jour (ventre se soulève à l'inspiration, rentrer le ventre à l'expiration). Si, dans la journée, vous êtes la plupart du temps assis, pensez à mettre le dos droit, le ventre vers l'avant entre les deux jambes écartées pour libérer le sacrum, le ventre et diaphragme. Penser aussi à des séances de planche ou d'abdos. Contre le stress, penser à la sophrologie et à la réflexologie plantaire (moyen le plus rapide). Savoir dire "Non".
    • le cerveau et le bonheur: la psychologie positive (1998, Martin Seligman) repose sur ce qui donne du sens à la vie. Elle cherche à valoriser ce qui va bien. Privilégier les émotions positives (altruisme, formuler le positif, pardonner). Faire un audit de ses relations. Se projeter dans 10 ans. Apprendre à se fixer des objectifs qui correspondent à nos désirs et besoins profonds: au lieu de vouloir faire plaisir à ses parents ou au regard de l'autre, au lieu de se soucier de notre image, mieux vaut choisir (vie privée et vie professionnelle) les tâches qui nous apportent du bonheur. Quelle place accordé-je à la générativité (invention du psychanalyste américain Erik Erikson) : intérêt et implication dont chacun de nous peut faire montre pour nourrir le bien-être de la génération qui lui succède? Savoir donner de soi pour favoriser le développement des compétences d'autres personnes. Se sentir utile est un des fondements du bonheur. Travailler ses points forts (cf les 6 vertus et 24 forces de caractère selon Martin Seligman (pages 136-143)
    • SAGESSE (créativité, curioisité, goût pour les apprentissages, ouverture d'esprit, , perspective i.e. recul);
    • COURAGE (authenticité, honnêteté, application, enthousiasme)
    • HUMANITE (gentillesse, amour et attachement, intelligence sociale)
    • JUSTICE (équité, leadership, loyauté = elle se mesure à l'aune des engagements pris par le groupe auquel vous appartenez)
    • MODERATION (pardon, modestie, prudence, autorégulation)
    • TRANSCENDANCE (appréciation de la beauté et de l'excellence, gratitude, espoir, humour, spiritualité)
  • Cultiver l'optimisme (s'inspirer de ses réussites, se raconter différemment, jouer au pessimiste)
  • S'exercer à une communication non violente (éviter les jugements et l'infantilisation) en observant la règle OSBD (cf Marshall Rosenberg, 1961): Observation (neutre), Sentiment, Besoin (rattaché à vos émotions, user de la formule "parce que j'ai besoin..."), Demande (qui n'est pas une exigence).
  • faire face à la critique: respirer profondément, demander calmement des précisions (des exemples concrets, des justifications quant aux reproches formulés), prendre le temps d'écouter (et de réfléchir à ce qui est dit), au besoin, en reparler ultérieurement avec la personne qui a adressé la critique.

 

  • Dans la journée, penser à relâcher régulièrement "le triangle de vigilance" que forme la zone du cou, des épaules et de la mâchoire. Pour ce faire, respirer profondément à 3 reprises.
  • Quotidiennement, faire 3 choses que vous aimez: relire un passage de votre livre préféré, pratiquer une activité que vous aimez, dire de belles choses à vos proches, déjeuner avec votre meilleur ami. Il est nécessaire, sur le plan phsyique comme sur les plans émotionnel et psychologique, de recevoir du positif.
  • Humour, histoire drôle.

 

  • Le cerveau et le sport: Activités du corps et du cerveau bonnes pour sérotonine, noradrénaline, dopamine; sports d'endurance et sécrétion d'endorphines, échecs (mémoire, concentration, logique, créativité, réflexion, indépendance, auto-motivation, psychologie: patience, volonté, contrôle). NB Une étude menée par l'université de Hong-Kong conclut que les élèves joueurs d'échecs améliorent de 15% leurs notes en mathématiques et en sciences. Une autre étude,  réalisée à New York, montre que ce sport cérébral améliore le rendement en lecture.Une autre étude, menée par l'université allemande de Trèves, montre des progressions de la concentration et de la motivation. Yoga et méditation. Taï-chi.
  • Le cerveau et la culture:mélomane (la musique déstresse), le cerveau aime la lecture, et les musées.
  • le cerveau et les addictions: cannabis, alcool.
  1. .
  2. le cerveau, centre de la mémoire.

Mémoire à court terme/ Mémoire à long terme

Mémoire de long terme: mémoire sensorielle (capte les informations)/ mémoire de travail (analyse les informations)

Mémoire de travail: procédurale, épisodique (événements qui forgent notre identité, en lien avec des émotions fortes), sémantique, et perceptive (= collectionne les informations relatives aux visages, aux sons, aux mots, aux odeurs, aux objets. En prise avec nos 5 sens, elle se charge, en fouillant dans sa base de données, d'attribuer une signification à un événement). L'activité physique (même la simple marche) est bonne pour la mémoire à long terme.

Méditer, écrire, rire, déstresser, répéter, vivre (stimulations sociales et intellectuelles), débattre, parler (à haute voix, même seul.e), associer (cf ce que faisait Roosevelt: il prenait le temps d'associer de visualiser, en toutes lettres, sur le front de la personne qui lui était présentée, son nom), jouer, agir (sans remettre au lendemain ce qui peut être fait le jour même), apprendre, ruser (moyens mnémotechniques) sont autant d'alliés de notre mémoire. L'utilisation de polices de caractères moins communes est plus efficace que les polices habituelles.

Pour autant, inutile d'envier les prodiges comme celles et ceux qui souffrent du syndrome d'Asperger (pédiatre autrichien qui théorise en 1943 cette forme d'autisme).

 

Dans la dernière partie (4.votre cerveau peut flancher), il est question d'Alzheimer, de Q.I., d'AVC et de sa prévention (alimentation, surveiller sa tension régulièrement, sport, analyse de sang annuelle, s'informer sur les médicaments, éviter le stress, cultiver l'optimisme, surveiller les maux de tête et ...éviter les suçons! cf page 259: "Sus au suçon!"), mais aussi de Parkinson, de la démence pugilistique ("syndrome du second impact"), de dépression, des moments de vigilance accrue (adolescence, à la maternité, maladie, retraite) et enfin d'épilepsie et de l'étonnant régime cétogène, bourré de lipides, mis au point en 1921 aux États-Unis, dans la clinique...Mayo!

 

 

 

  • Les liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos, 1782.

 

 Découverte tardive de ce chef d’œuvre épistolaire du 18ème siècle dans sa version intégrale. La marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont rivalisent d'ingéniosité pour mettre à mal la vertu et moquer les naïfs et les naïves. Roman libertin qui préfigure l’œuvre du marquis de Sade, écrit dans une langue qui m'est si chère, Les Liaisons dangereuses me semble bien meilleures -et c'est peu dire- que Belle du Seigneur dans l'analyse ironique des pathologies de l'amour.

Le choix de la forme épistolaire permet au lecteur d'avoir une hauteur de vue sur les personnages et rend la lecture du roman captivante, tant la construction est bien pensée et l'enchaînement des lettres rendu redoutablement efficace. L'assemblage des lettres et la polyphonie présentée permettent d'ailleurs de ne pas se contenter de leur contenu: il en va ainsi de l'une des dernières lettres (168/176), où Mme de Volanges ne peut se résigner à croire le bruit qui se répand sur le rôle joué par la marquise de Merteuil.

 

Tout est bien qui finit mal pour les méchants ("punition des méchants"): Valmont, Dom Juan de Laclos, meurt dans un duel qui l'oppose au jeune Danceny dont il a abusé de la naïveté tout au long du roman. Il meurt même d'amour, se désespérant d'avoir dû délaisser la dévote et Mme de Tourvel; quant à la marquise de Merteuil, si forte, si fière, si confiante en sa supériorité sur tous (cf la lettre 81), une fois Valmont mort, elle est publiquement humiliée, défaite et ruinée à l'occasion d'un procès qu'elle perd, et elle finit même atteinte de la petite vérole.  Si sa "pupille" (Cécile  Volanges) échappe bien au comte de Gercourt dont elle voulait se venger parce qu'il l'avait jadis abandonnée, c'est parce qu'elle se retire au couvent. Même monsieur de Prévan que la marquise avait bien eu est rétabli dans son honneur.

 

  • quelques formules que j'ai aimées:
  • "une vraie capucinade" (la lettre de rupture écrite par Cécile Volanges à Danceny, selon le mot de Mme de Merteuil)

 

  • "tout est privation, tout est regret, tout est désespoir." Malheurs du chevalier Danceny, loin de sa belle Cécile!

 

  • "Et qu'avez-vous donc fait que je n'aie surpassé mille fois? Vous avez séduit, perdu même beaucoup de femmes: mais quelles difficultés avez-vous eues à vaincre? Quels obstacles à surmonter? Où est le mérite qui soit véritablement à vous? Une belle figure, pur effet du hasard; des grâces, que l'usage donne presque toujours, de l'esprit à la vérité, mais auquel du jargon suppléerait au besoin..." (lettre 81, la marquise de Merteuil au vicomte de Valmont) Réflexion qui rappelle aussi bien le Figaro de Beaumarchais que le Pascal des Trois discours.

 

  • "Ma tête seule fermentait; je ne désirais pas de jouir, je voulais savoir; le désir de savoir m'instruire m'en suggéra les moyens. (...) le bon Père me fit le mal si grand que j'en conclus que le plaisir devait être extrême; et au désir de le connaître succéda celui de le goûter." (lettre 81)

 

  • "je cherchai même dans les Moralistes les plus sévères ce qu'ils exigeaient de nous, et je m'assurai ainsi de ce qu'on pouvait faire, de ce qu'on devait penser et de ce qu'il fallait paraître."(lettre 81)

 

  • "Nouvelle Dalila, j'ai toujours, comme elle, employé ma puissance à surprendre ce secret important. Hé! de combien de nos Samsons modernes, ne tiens-je pas la chevelure sous le ciseau!" (lettre 81)

 

  • "il en prit l'occasion d'une de ces conversations à double entente, pour lesquelles vous m'avez vanté son talent." (lettre 85)

 

  • "Qu'il est commode d'avoir affaire à vous autres gens à principes! (...) Votre marche réglée se devine si facilement!" (lettre 85)

 

  • "La soirée ne produisit rien qu'un très petit billet, que le discret Amoureux [il s'agit de Prévan] trouva moyen de me remettre, et que j'ai brûlé suivant ma coutume. Il m'y annonçait que je pouvais compter sur lui; et ce mot essentiel était entouré de tous les mots parasites, d'amour, de bonheur, etc." (lettre 85)

 

  • dans la lettre 88, Mme de Volanges s'en met à douter des mariages de raison, inquiète qu'elle est de voir sa fille si mal car elle voudrait un mariage d'amour: "Ces mariages qu'on calcule au lieu de les assortir, qu'on appelle de convenance, et où tout se convient en effet, hors les goûts et les caractères, ne sont-ils pas la source la plus féconde de ces éclats scandaleux qui deviennent tous les jours plus fréquents?"

 

  • Valmont est au lit avec Cécile Volanges, de nuit, la porte s'ouvre: " Nous étions dans le repos et l'abandon qui suivent la volupté."

 

  • Rendu jaloux par la marquise de Mertueil, le vicomte voit là une déclaration de guerre de la part de sa correspondante dont il exige une réponse sans détours ni longs discours: "vous voyez que la réponse que je vous demande n'exige ni longues ni belles phrases. Deux mots suffisent." (153) Et la marquise de répondre au bas de la même lettre: "Hé bien! la guerre."

 

 

 

  • La France est-elle laïque, Jean-Louis Bianco, 2016.

Introduction: Brandie comme un étendard par certains, la laïcité se construit et se vit sans cesse. Depuis les attentats de 2015, elle devient la religion d'un monde sans religion.

Chapitre 1: La laïcité n'est pas tombée du ciel.

Petits rappels historiques sur cette laïcité qui a permis l'apaisement dans un pays qui a souffert pendant des siècles de guerres de religion et des persécutions à l'encontre des minorités.

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen:

  • article 10 ("Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble par l'ordre public établi par la loi.")
  • article 4: "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui."
  • préfigurateur de la loi de 1905, ce décret du 21 février 1795: "L'exercice d'aucun culte ne peut être troublé. (...) La République n'en salarie aucun."

Les lois de Jules Ferry

  • 1882: école obligatoire de 6 à 13 ans. Suppression de l'enseignement religieux au profit d'un enseignement moral et civique.

La loi du 9 décembre 1905

Loi d'apaisement.

Le compromis porté par Aristide Briand, Jean Jaurès et Georges Clemenceau l'emporte sur la conception anticléricale ou antireligieuse portée par Émile Combes.

Loi de liberté (article 1, liberté de conscience) et de séparation des églises et de l’État (article 2)

L'auteur de remarquer que cette loi aurait dû s'appliquer, en principe, à l'Algérie. Pourtant, pour garder le contrôle du culte musulman afin de surveiller les velléités indépendantistes qu'il pouvait alimenter,  les autorités françaises rejettent la demande des oulémas algériens d'être soumis à la loi de 1905. Ironie de l'histoire: c'est la République qui a alors refusé que la laïcité s'applique à l'islam.

La Constitution de 1946

Le mot qui ne figurait pas dans la loi de 1905 apparaît dans la Constitution.  Article 1 de la Constitution de 1946 (repris dans la Constitution de 1958): "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale."

La "guerre scolaire"

Des lois Marie et Bérangé (1951) à la loi Carle (2009) en passant évidemment par la loi Debré (1959) c'est l'enseignement privé catholique qui est au cœur d'une guerre scolaire : les manifestations de 1984 pour l'école "libre" conduisent à la démission de Savary.

Cette guerre scolaire, qui porte sur le financement pendant plusieurs décennies, change de terrain avec l'affaire du foulard à Creil (1989).

Décision du Conseil d’État.

Finalement loi du 15 mars 2004 interdisant le port de signes ou de tenues "par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse" dans les établissements d'enseignement publics (écoles, collèges, lycées).

L'auteur de préciser que la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, en particulier le port du voile intégral, est adoptée sur un autre fondement que la laïcité: celui de l'ordre public. L'exposé des motifs fait référence aussi à l'égalité entre les hommes et les femmes.

 

 

 

Chapitre 2: Mais alors, la laïcité, c'est quoi?

Ni option, ni religion, la laïcité est le principe qui permet d'en avoir une ou de ne pas en avoir.

La laïcité constitue un principe d'organisation de notre vie collective. Elle repose sur trois piliers:

la liberté: de croire ou de ne pas croire, de changer de religion, de pratiquer sa religion, de se manifester dans l'espace public tant qu'elle ne nuit pas à la liberté d'autrui et ne vient pas troubler l'ordre public.
l'égalité/ neutralité de l’État, des collectivités locales, des services publics. Garantie que tous les usagers du service public seront traités à égalité. Neutralité qui s'applique aux agents publics, et non aux usagers des services publics, à condition qu'ils ne troublent par l'ordre public ou le fonctionnement du service.
la fraternité sans laquelle il ne peut y avoir de laïcité: nos différences sont des richesses à condition qu'elles soient rassemblées dans la citoyenneté. Femmes et hommes, nous sommes tous des citoyennes et des citoyens à égalité de droits et de devoirs. La notion de "vivre-ensemble" est raillée par Régis Debray ("Ce sont les vaches qui vivent ensemble!": l'auteur préfère parler de "faire ensemble": "Nous devons, avec nos différences, fabriquer du commun."

"La laïcité n'a pas à se durcir, mais à s'affirmer." (Bernard Cazeneuve).

L'enjeu est de savoir dire non ET la laïcité a besoin de pédagogie. Elle doit être vécue et pas seulement proclamée dans les discours.

"La laïcité, c'est toujours rechercher ce qui rassemble plutôt que ce qui divise."

cantines scolaires: l'auteur préconise une diversité de menus, sans entrer dans des considérations confessionnelles.
absences liées aux fêtes religieuses: elles doivent être traitées comme les autres demandes d'aménagement du temps de travail. Le refus de l'employeur est toujours possible s'il est lié à la bonne marche de l'entreprise ou du service public.

L'auteur de parler d'une "révolution invisible" en cours car les tensions nous obligent à nous réinterroger et à retrouver la laïcité que l'on avait tendance à considérer comme un bien acquis, sans trop s'en préoccuper.

"La laïcité devient vivante, parce que beaucoup de citoyens et d'acteurs sociaux sont en train de se l'approprier."

L'auteur de parler d'un déplacement du centre de gravité de la laïcité: "Elle est désormais une affaire de relation entre l’État et l'individu, ou entre L’État et la société, plutôt qu'une simple question de relation entre pouvoirs publics et institutions religieuses."

 

 

 

Chapitre 3 Ce qui se cache derrière la laïcité.

La question de l'islam

Il y a dans notre pays une peur de l'islam. Pourquoi ne pas le dire? Et la facilité commune du discours politique tend à tout mélanger. L'auteur de distinguer:

islamisme: il vise à faire prévaloir des normes musulmanes dans l'ordre politique et social.
islam radical: forme de prosélytisme agressif, menant potentiellement à des actes violents.
salafisme: il consiste à adopter un lecture littérale des sources religieuses pour en déduire un mode de vie censé se rapprocher de celui des premières communautés musulmanes.

A ceux qui pensent que l'islam serait "insoluble dans la République", l'auteur rappelle qu'on s'est longtemps posé la même question à propos du catholicisme.

"La vérité est que la République, parce qu'elle est laïque, a la capacité d'intégrer toutes les religions."

L'auteur d'insister sur le fait qu'il existe plusieurs lectures de l'islam, diverses manières de le pratiquer. Ceux qui crient le plus fort en voulant imposer une certaine pratique empêchent de voir une multitude d'autres croyants qui font leurs propres choix sans en parler.

La "communauté musulmane" n'existe pas. Invention qui rappelle la "communauté juive" des années 1930.

"Interroger systématiquement une personne d'origine arabe sur sa "position" vis-à-vis de telle ou telle question liée à l'islam revient à l'assigner à sa religion supposée, à lui refuser sa francité et à l'exclure symboliquement de la communauté nationale."

A propos du voile, l'auteur rappelle que les manières de le porter et les motifs sont très divers:
crise d'adolescence, manière d'avoir la paix avec les hommes de la famille ou du voisinage, contrainte sociale, choix personnel.

L'auteur de montrer la complexité du réel: d'un côté l'abandon du voile apparaît comme une conquête du féminisme (cf la Tunisie de Bourguiba), de l'autre il existe aussi des musulmanes féministes et féministes activent qui portent le voile. Dans de nombreux cas, le port du voile est une affirmation identitaire plus encore que religieuse.

L'auteur d'insister sur les libertés introduites par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. A propos du burkini comme du voile, "il peut et il doit y avoir débat. Mais il est aberrant d'invoquer, pour l'interdire, l'exigence d'une "tenue laïque."

A propos de la violence au nom de l'islam, l'auteur rappelle que la peur de l'islam se nourrit notamment des attentats. "La dérive djihadiste de plus de 2000 Français (dont environ 40% de convertis) est effrayante." L'auteur parle d'un phénomène sectaire, définit la radicalisation comme un processus par lequel un individu ou un groupe d'individus adopte une forme violente d'action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux qui conteste l'ordre établi sur le plan politique, social ou culturel. Donc elle n'est pas toujours religieuse. La radicalisation implique la violence, pas nécessairement le terrorisme.

L'auteur de rappeler que la plupart des jeunes enrôlés dans le terrorisme connaissent mal les textes de l'islam et que certains apprentis djihadistes sont même partis en emportant dans leurs bagages un exemplaire de L'islam pour les nuls. "Leur engagement doit tout autant à une mythologie héroïque colportée par Internet. C'est flagrant dans le cas du tueur de Nice, qui "a adhéré au djihadisme, pas à l'islam."(Jean-Pierre Filiu).

Pour l'auteur, toute entreprise de déradicalisation passe plutôt par des témoignages des jeunes revenus de Syrie (cf le philosophe Guillaume Monod qui intervient dans les maisons d'arrêt et cite le cas d'un jeune homme qui, ne connaissant rien à l'islam, a été attrapé et violé") que par le site Stop-Djihadisme, qui, s'il est bien fait, émane du service d'information du gouvernement, label officiel qui limite son audience.

"En cas de propos ou d'actes contraires à la loi, la réponse doit être ferme et immédiate."

Pour l'auteur, il est urgent d'entendre la voix de la très grande majorité de nos concitoyens musulmans. Il évoque le Manifeste citoyen des musulmans de France, véritable "déclaration d'amour à la République" selon le mot de Bernard Cazeneuve, publié par le CFCM.

L'auteur de mentionner les 3000 manifestants qui ont défilé à Mantes-la-Jolie, le 20 juin dernier, à l'appel d'associations musulmanes locales en réponse aux assassinats de Magnanville. L'auteur de comparer deux nombres: "Sur l'ensemble du territoire français, un peu plus de 2000 ressortissants français (ou étrangers résidant en France) sont connus pour leur implication dans les filières syro-irakiennes. A Mantes-la-Jolie (et rien que là-bas), ils étaient plus de 3000 pour le condamner.

L'auteur de dénoncer le danger qu'il y a à enfermer nos concitoyens dans une identité figée.

Après avoir abordé la question sociale, l'auteur insiste sur la question de l'identité de la France:
"Chacun de nous a une identité composée d'appartenances différentes. Il faut un fort sentiment d'unité citoyenne pour que ces différences soient perçues comme des richesses plutôt que comme des dangers."

Citant le philosophe Emmanuel Levinas, l'auteur met en garde: il ne faut pas se laisser identifier par le doigt qui vous désigne.

 

Chapitre 4: Danger pour les libertés.

L'auteur met en garde contre les débats qui donnent à entendre une définition de la laïcité en rupture avec les trois piliers historiques-liberté, égalité, fraternité.

Discours décliniste, porteurs de la "police du vêtement" (l'auteur de citer des cas scandaleux et ahurissants d'agressions xénophobes et de citer le communiqué de l'Observatoire de la laïcité (qu'il préside) à propos de la polémique autour du burkini" introduisent l'idée selon laquelle le domaine de la neutralité religieuse devrait être étendu à l'espace public (interdictions générales), en contradiction avec l'article 10 Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, inscrite dans le préambule de notre Constitution, autant qu'avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme.

 

 

Conclusion:

Nous traversons une période de "grand chambardement" marqué par une perte de repères, une quête de sens et un déficit d'espérance. Si s'interroger sur l'identité nationale est légitime, l'auteur rappelle ce qu'est la France:

  1. une histoire, qu'il faut "agrandir" (Benjamin Stora) en prenant en compte les cultures de celles et ceux qui l'ont façonnée. En assumant ses grandeurs et ses ombres.
  2. un territoire.
  3. une langue.
  4. La République, c'est-à-dire une communauté de citoyennes et de citoyens à égalité de droits et de devoirs.
  5. une volonté de vivre ensemble. Aujourd'hui, nous devons refaire nation. Nécessité de prendre confiance, de faire preuve d'empathie et de partir du réel plutôt que des fantasmes sur l'autre. Nous pouvons à tout moment basculer: du côté de la haine, de l'antisémitisme, du racisme...ou de la fraternité, d'une appartenance retrouvée à une nation, à laquelle on peut s'attacher par le cœur aussi bien que par les racines (Emmanuel Levinas).
  6. un projet. Si gauche et droite ne se confondent pas, il y a une identité républicaine en partage.

"L'enjeu est énorme. Cela peut être une nouvelle guerre des deux France. Celle qui a peur; celle qui voit dans l'autre un danger ou un ennemi; celle qui se recroqueville sur un passé fantasmé; celle qui exclut; celle qui stigmatise. Ou bien celle qui est tournée vers l'avenir; celle qui nous rassemble avec nos différences; celle qui défend et promeut la laïcité pour faire de nous des frères, des citoyennes et des citoyens à égalité de droits et de devoirs."